En fin d’avant-midi hier, une grande partie du millier de congressistes venus d’une soixantaine de pays pour assister au Forum international de l’économie sociale et solidaire (FIESS) sont massivement sortis du Palais des congrès de Montréal. Ils ont marché un coin de rue et ils ont rejoint les Indignés qui occupent depuis samedi le Square Victoria, comme plusieurs centaines d’autres villes sur la planète. Vestons et cravates, dreads et piercing, la foule bigarrée a écouté attentivement les uns et les autres réclamer au mégaphone un monde plus juste et solidaire.

L’idée semble avoir été lancée par quelques participants, lors de la soirée d’ouverture, la veille. Les organisateurs du FIESS, dont le Chantier de l’économie sociale du Québec, ont saisi l’occasion de souligner le lien entre les deux événements, notamment parce qu’ils sont d’envergure planétaire. Marie-Hélène Méthé, directrice générale adjointe et responsable des régions au Chantier, dresse le parallèle entre les manifestants qui occupent la place et les congressistes qui, à quelque pas de là, travaillent à construire des alternatives. « On est allés voir ce qu’ils faisaient, on est allés les écouter, et on est allés leur dire qu’il y avait des gens de partout à travers le monde qui étaient ici, et que c’est important d’être solidaires. Et parce qu’il ne faut jamais arrêter de s’indigner. »

Gérald Larose, président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, abonde dans le même sens : « L’indignation, c’est le premier pas d’un mouvement de construction. Ici, nous sommes essentiellement sur la construction de l’alternative, donc c’est tout-à-fait concordant avec ce qu’on fait. C’est la première fois qu’on a un mouvement général d’indignation ayant une cible très très précise et qui est toute la même, qui est le mouvement financier de l’économie, qui est un mouvement parasitaire, alors que nous on travaille sur l’économie réelle, l’économie de la réponse aux besoins, aux aspirations. Alors c’est tout-à-fait symbolique qu’on aille les saluer.»

Gérald Larose. – Photo: N.Falcimaigne

Pour plusieurs jeunes coopérateurs présents au FIESS, il s’agit d’un seul et même mouvement qui s’exprime de différentes façons. Amanda Hachey, conseillère en développement coopératif au Conseil provincial des coopératives au Nouveau-Brunswick, y voit « une confirmation qu’il y a vraiment beaucoup de citoyens qui croient en la même idée que on doit faire quelque chose de différent. On doit changer le modèle. L’économie n’est pas plus puissante que nous, c’est nous qui avons la puissance pour changer l’économie. On travaille pour les gens, pour l’environnement, pour le système global, la planète. »

Ximena Ponce, ministre Inclusion du Conseil Economique et Social en Equateur, a été longuement ovationnée par les Indignés du Square Victoria. Questionnée sur le soutien de son gouvernement au mouvement des Indignados, elle souligne que, « comme gouvernement, nous croyons énormément à la citoyenneté et à la mobilisation sociale. C’est la raison pour laquelle nous avons pris le pouvoir. Nos racines sont dans le mouvement social, dans le mouvement des femmes, dans le mouvement ouvrier. Ce sont nos origines. C’est pourquoi nous croyons toujours à la mobilisation sociale. Nous croyons que le peuple a le droit de s’exprimer, qu’il a beaucoup de potentiel pour réaliser des choses et pour les amener au gouvernement. »

À la foule, la ministre a expliqué que Équateur a modifié sa constitution afin d’y enchâsser l’économie sociale. L’article 283 de la Constitution de 2008 a été traduit dans un article signé par Yves Vaillancourt publié dans les Éditions Vie économique : « Le système économique est social et solidaire; il reconnaît l’être humain comme sujet et fin; il vise une relation dynamique et équilibrée entre société, État et marché, en harmonie avec la nature; il a pour objectif de garantir la production et la reproduction des conditions matérielles et immatérielles qui permettent le “Buen Vivir”. Le système économique fait de la place à des formes d’organisation économique publique, privée, mixte, populaire et solidaire et d’autres que la Constitution identifie. L’économie populaire et solidaire sera régulée en accord avec la loi qui inclura les secteurs coopératifs, associatifs et communautaires. »

Inscrire un tel principe dans la constitution, c’est l’élever au-dessus des lois, des politiques gouvernementales et des intérêts partisans, ce qui le protège des changements de gouvernement. C’est aussi une façon de contraindre le gouvernement à adapter ses politiques en fonction de ce principe d’économie sociale, en tout temps.

Nancy Neamtan, Présidente-directrice générale du Chantier de l’économie sociale du Québec, écoute attentivement Ximena Ponce, ministre de l’Inclusion économique et sociale en Équateur. – Photo: N.Falcimaigne