Il se passe actuellement un vol monumental dont on entend peu parler. Une tendance est apparue depuis une dizaine d’années, qui voit une cooptation de mutuelles d’assurances par des membres manœuvrant pour s’en approprier le capital. Peu encadrées au plan juridique à l’échelle canadienne, ces « initiatives » sont vertement dénoncées par plusieurs acteurs du monde coopératif. Plus largement, elles sont symptomatiques de la faillite éthique de l’économie actuelle et du néolibéralisme qui lui sert de terreau idéologique.

Il est malheureusement devenu presque habituel de voir, à un niveau ou un autre, des financiers se créer du capital aux dépens de la population. Ici ce sont les petits investisseurs qui sont floués, là des particuliers qui se font reprendre leur maison, quand ce n’est pas la population dans son ensemble qui se fait surfacturer par des entrepreneurs fricotant avec le crime organisé. Dans le cas qui nous occupe, ce sont des générations de membres des mutuelles d’assurance qui voient leur capital cumulé être la proie de membres actuels qui veulent partir avec le butin collectif.

Dans l’immédiat, il est certes nécessaire de réformer les législations pour éviter les abus et détournements de l’ordre de la démutualisation dont le présent dossier traite. À plus long terme, il faudra, plus fondamentalement, s’interroger sur les fondements d’une économie qu’il importe, plus que jamais, de réinscrire dans le champ social (et de l’y subordonner). Force est d’admettre que, à l’instar de la technologie, l’économie laissée à elle-même peut s’avérer bien plus destructrice que facteur de progrès social. Or, c’est précisément le lien éthique et moral entre l’activité économique et le bien commun qui apparaît brisé aujourd’hui, ce qui laisse libre-cours aux abus qui semblent se multiplier devant nos yeux.

À n’en pas douter, plus de démocratie et de justice sociale impliqueront nécessairement un bien plus grand contrôle populaire sur cette « main invisible » qui, comme par hasard, pige toujours dans les mêmes poches pour garnir des comptes bancaires logés dans les paradis fiscaux.