Hier, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé la création d’un nouveau programme de rachat d’obligations d’État pour couvrir la dette des pays européens en difficulté. La dette italienne s’élève à 1,9 billion d’euros (soit 1900 milliards), ce qui représente 123% de son produit national brut. Cette imposante dette est la seconde en importance dans la zone euro, suivant de près celle de la Grèce. Même avant l’annonce, la dette était évoquée pour justifier les coupures dans les dépenses de l’État italien, mais le nouveau programme impose des mesures d’austérité qui risquent de porter le taux de chômage de l’Italie au même rang que celui de l’Espagne ou de la Grèce.

Les questions fusent: la dette est-elle réellement la seule responsable du retrait en masse du secteur financier de l’économie italienne? Est-elle seule responsable de l’écart grandissant entre la valeur des obligations italiennes et celle des obligations allemandes? Peut-elle justifier l’augmentation de l’âge des retraites de trois ans ainsi que l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de un pour cent? L’Italie a pourtant eu le même niveau de dette depuis les vingt dernières années. Comment se fait-il que le système financier global ne réagisse qu’à l’heure actuelle? Pourquoi fut-il décidé que l’Italie et ces autres pays du type «Club Med» que sont la Grèce, l’Espagne et le Portugal devraient subitement rembourser leurs dettes?

Plutôt que de répondre à ces questions, les politiciens italiens s’affairent à attaquer un autre problème: les élections prévues pour 2013. L’ancien président du conseil des ministres, Silvio Berlusconi, après avoir démissionné en tant que chef du PDL (Il Popolo della Libertà, «Peuple de la liberté», parti de droite), a décidé de se présenter à nouveau dans la course à la présidence en proposant que l’Italie sorte de la zone euro.

Les sondages sont pour l’instant défavorables à Berlusconi, lui préférant le Parti démocrate, qui semble quant à lui résolu à créer une alliance avec le parti de gauche SEL (Sinistra, ecologia e libertà ou «Gauche, écologie et liberté») ainsi que le parti catholique UDC (Unione dei Democratici Cristiani e di Centro, «Union des démocrates chrétiens et du centre»). Cette coalition est déterminée à préserver l’unité de la zone euro. Le seul candidat inattendu est Beppe Grillo, un ancien comédien âgé de 64 ans, maintenant à la tête du «Mouvement 5 étoiles» (Movimento 5 stelle), un parti libertaire qui en est à ses premières élections. Grillo, qui croit aussi que l’Italie devrait quitter la zone euro, récolte pour l’instant environ 20% des intentions de vote.

En attendant les élections, le gouvernement est entre les mains de Mario Monti, un économiste âge de 69 ans, anciennement Commissaire européen à la concurrence et conseiller chez Goldman Sachs. Il est en poste depuis la démission de Berlusconi en novembre 2011. Depuis ce moment, Monti et son équipe ont investi une part importante de leurs énergies dans la réduction des dépenses publiques.

Les dernières coupures furent officialisées en juillet par la loi sur la révision du budget. On y prévoit une réduction des dépenses publiques de 26 milliards d’euros sur trois ans. Pour atteindre cet objectif, on prévoit entre autres éliminer 10% des postes de cadres gouvernementaux, 20% des autres postes, réduire significativement la flotte d’automobiles gouvernementales, couper dans les dépenses de santé ainsi que dans les dépenses militaires.

Mises à part les coupures annoncées pour les automobiles gouvernementales, qui sont réputées comme étant démesurément nombreuses, le reste du plus récent plan d’austérité est contesté par les syndicats comme par les citoyens. Les syndicats se sont farouchement opposés aux coupures, les qualifiant de «couperet de boucherie» et promettant des grèves à l’automne.

D’autre part, l’économie italienne titube depuis un certain temps. En effet, entre avril et juin 2012, le produit national brut a été révisé à la baisse pour le quatrième quart consécutif. Plusieurs craignent actuellement que les dernières coupures de Mario Monti aggravent la situation en augmentant le chômage. Les dernières études démontrent que le taux de chômage a augmenté à 10,8%, soit trois points de plus qu’au même moment l’année dernière. Le chômage en Italie n’a pas encore sombré aux niveaux que l’on voit en Grèce et en Espagne (22% et 24% respectivement), mais si la tendance se maintient, Rome pourrait bien rejoindre Athènes et Madrid sous peu.

L’annonce de la BCE survenue hier, à l’effet de lancer un programme de rachat massif d’obligations gouvernementales sur le marché pour réduire les taux d’intérêt, pourrait être le moment décisif de la crise européenne, selon plusieurs analystes. Nommé «Outright Monetary Transactions» (OMT), ce programme s’apparente au précédent Mécanisme européen de stabilité (MES), dont la Cour constitutionnelle allemande remet en question la constitutionnalité. Ce type d’intervention est en effet conditionnel à l’adoption de mesures d’austérité pouvant doper le chômage intérieur. Plusieurs enthousiastes de l’UE veulent tout de même donner à la Banque centrale européenne le pouvoir d’acheter une quantité illimitée de dettes de façon à garder les taux d’emprunt faibles.

Plusieurs acteurs importants mettent ainsi de l’avant l’idée voulant que la sortie de crise doit passer par une perte de souveraineté nationale et un renforcement de l’unité européenne. C’est ainsi que la Banque centrale européenne pourrait prendre l’allure de la Réserve fédérale américaine et acquérir les pouvoirs discrétionnaires lui permettant de gonfler la masse monétaire au besoin en imprimant des billets.

Propriétaire d’une boutique d’accessoires de mariage dans un quartier populaire de Rome, Daniela Coco confirme que les temps sont difficiles pour les commerçants.
Photo: Nicolas Falcimaigne

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Traduit de l’anglais par Alexandre Sheldon

Avec Nicolas Falcimaigne