Quelle réponse l’éducation à la coopération pourrait apporter au problème de la relève entrepreneuriale? C’est l’un des sujets abordés lors du Forum coopératif mauricien, organisé le 29 février dernier par l’équipe de la Coopérative de développement régional (CDR) Centre-du-Québec/Mauricie. La centaine de participants a découvert qu’il est possible de former la relève à même les bancs d’école au niveau primaire.

Les Coopératives jeunesse de services (CJS) sont des coopératives de travail créées et gérées par des jeunes de 9 à 17 ans, afin d’offrir des services dans leur communauté. Il s’agit d’un emploi d’été, rémunéré selon l’entente de la coopérative, où chaque jeune gère toutes les facettes de l’entreprise : marketing, ressources humaines, comptabilité, vie démocratique et le travail en lui-même.

Qu’il s’agisse de tonte de pelouse, de gardiennage ou menu travaux, l’expérience d’une coopérative jeunesse développe le sens des responsabilités, du travail d’équipe et le sens de l’entrepreneuriat. Tous les ingrédients pour former les leaders de demain.

Ces incubateurs à futurs entrepreneurs sont soutenus par des formateurs sur le terrain, des comités locaux, des partenaires nationaux, afin de rendre l’éducation coopérative auprès des jeunes une expérience de vie enrichissante qui aura des retombées positives pleine grandeur sur la société. Et les résultats sont éloquents en Mauricie, qui compte 33 projets coopératifs jeunesse impliquant plus de 500 jeunes. La nouvelle génération de coopérants offre une réponse toute fraîche au défi que pose le transfert de la connaissance à la relève entrepreneuriale.

Vidéo du Forum coopératif de la Mauricie, une production du CQCM:

Ils ont tout donné

Selon Larry Bernier, maire de la municipalité de Lac-Édouard, pour comprendre le défi de la relève, il faut se replacer dans le contexte où l’actuelle vague d’entrepreneurs a évolué. Pour la génération traditionnelle, le travail était le salut pour se sortir des temps durs d’après-guerre.

«Cette génération d’hommes et de femmes d’affaires a tout donné pour se lancer en affaire, créant emplois et haussant la qualité de vie de sa communauté, affirme le jeune retraité. Rares sont ceux qui ont su percer et survivre le teste du temps, à en croire les statistiques de survie des PME après 10 ans au Québec. Ce n’est pas avec des diplômes de second cycle qu’ils ont réussi cet exploit, mais en surmontant des échecs, en passant d’innombrables heures au travail et en affrontant avec une ténacité remarquable tous les défis connus et inconnus. C’est en apprenant sur le tas.»

Mais la réalité a changé, et on ne peut enseigner de la même façon que l’on a appris. Comment opérer un transfert de connaissances alors que toute connaissance réside entièrement dans l’expérience d’un individu bâtisseur? Les acteurs de développement du milieu économique se creusent les méninges, d’autant plus que pour la plupart des baby-boomers, la pré-retraite est entamée depuis longtemps, tandis que l’on parle d’années, voire d’une décennie, pour assurer une transition confortable à une relève.

Les nouvelles générations qui sont prêtes à prendre la relève n’ont pas le même rapport au travail. La conciliation famille-travail-loisirs est importante pour la nouvelle génération, qui n’est pas prête à donner le même nombre d’heures de travail que les entrepreneurs depuis 40 ans.

Selon Denis Morin, directeur-conseil en entrepreneuriat à la Commission scolaire de l’Énergie et conseiller au Secrétériat à la jeunesse du ministère du Conseil exécutif du Québec, «c’est important d’être bien et heureux dans la vie (…) les jeunes ne veulent plus tout sacrifier pour aller en affaires».

L’idée de faire un choix de carrière en entrepreneuriat n’est pas donnée à tout le monde. Les dirigeants actuels ont souvent été seuls à prendre leurs décisions d’affaires, ils ont rarement partagé leur fardeau financier ou leur savoir de gestion.
«Le modèle coopératif offre une solution intéressante, dit-il, car le risque est partagé parmi plusieurs, le fardeau ne repose plus sur les épaules d’un seul individu. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.»

La relève : une bouffée d’air frais

Au Québec, dès qu’une relève s’installe, on note une croissance immédiate au sein de l’organisation, parce que l’entrepreneur expérimenté ne prend plus les mêmes  risques que lorsqu’il était en période de démarrage, ce qui fait perdre de la valeur aux entreprises présentement, croit Denis Morin.

Voilà pourquoi les écoles et les programmes des commissions scolaires doivent s’arrimer sur les besoins de la main-d’œuvre actuels et permettre aux jeunes d’apprendre du contenu qui sera utilisé concrètement sur le marché du travail, par des projets de jumelage et d’intrapreuneurship, soit l’ensemble des démarches et méthodes permettant d’introduire une gestion entrepreneuriale au sein d’une organisation.