Devant un auditoire d’une cinquantaine de personnes réunies le 23 novembre à l’Université Laval, le ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, a témoigné du «malaise, de la colère, du dégoût, de l’indignation» dont lui ont fait part ses concitoyens dans le cadre d’une consultation qu’il a menée l’an passé. Le Forum Démocratie, qui a eu lieu les 23 et 24 novembre, était une initiative de la fédération d’étudiants de premier cycle de l’Université Laval (CADEUL) et du Forum Jeunesse de la région de la Capitale-Nationale.

En qualité d’ancien journaliste, M. Drainville connaît l’importance de la disponibilité de l’information, afin que le peuple puisse surveiller les élus. Le concept de gouvernement ouvert du ministre Drainville rejoint l’idée de l’imputabilité et des contre-pouvoirs: «J’aime beaucoup l’idée qu’on donne aux citoyens le moyen de connaître l’évolution des contrats […]. Je suis convaincu qu’il y a beaucoup de citoyens qui se saisiraient de cette information-là et qui seraient capables de nous dire ‘‘hey, c’est mal géré, il y a quelque chose qui se passe, occupez-vous-en’’

Malgré cela, M. Drainville croit que dans un contexte de gouvernement minoritaire, il est irréaliste de penser élaborer un mécanisme de référendum d’initiative populaire qui accorderait un pouvoir décisionnel au peuple. Il vise un espace de consultation, de délibération.

Cinq conférenciers ont donné le coup d’envoi du Forum Démocratie – Construire un projet de société en abordant les thèmes suivants: l’histoire des pratiques démocratiques au Québec (Éric Bédard, historien et professeur à la TÉLUQ), repenser nos institutions démocratiques (André Larocque, professeur à l’ÉNAP et ancien sous-ministre à la réforme des institutions démocratiques), la mobilisation avec les médias sociaux (Nellie Brière, stratège en médias sociaux à Radio-Canada), augmenter la participation politique (Ianik Marcil, consultant en économie, conférencier et professeur) et en dernier lieu, la désillusion citoyenne et la reconquête de l’intégrité en politique (Bernard Drainville, ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne).

Des réformes urgentes

Acteur de premier plan de la réforme de notre système de pouvoir sous le gouvernement Lévesque, André Larocque a fait état de mesures écartées, telles que la réforme du mode de scrutin, les référendums d’initiative populaire, des élections à date fixe, l’élection du premier ministre au suffrage universel et finalement, la décentralisation du pouvoir. M. Larocque vilipende l’omnipotence du premier ministre: «Nos institutions disent que le Parlement est souverain: c’est pas vrai! Notre institution dit que les députés déposent des lois: c’est pas vrai! 99% des lois viennent du bureau du premier ministre.»

Privé de pouvoir décisionnel, le peuple perd confiance lorsque le gouvernement balaie du revers de la main ses demandes, comme dans le cas du refus entêté des libéraux de créer l’actuelle commission Charbonneau. Selon l’historien Éric Bédard, le Québec est mûr pour adopter l’approche républicaine (voir La république québécoise: hommage à une idée suspecte, de Marc Chevrier), où on conçoit chaque citoyen comme un véritable chien de garde de sa collectivité. Il s’agit d’une vision de l’engagement qui dépasse une visite dans l’isoloir une fois aux quatre ans.

M. Bédard se fait l’avocat d’un sens de l’engagement bien québécois: «La voie républicaine peut très bien s’allier avec la voie du coopératisme. […] À l’origine, il y avait cet esprit coopératif qui peut très bien s’allier avec la voie du sens civique, de l’engagement.»

Redonner le pouvoir au peuple

Lors des trois ateliers qui ont regroupé participants et conférenciers dimanche matin, l’économiste et spécialiste de la démocratie liquide, Ianik Marcil, a jugé sévèrement cette approche proposée aussi par l’ancien député libéral Michel Pigeon, qui a participé à titre de mentor pour un atelier. André Larocque a soutenu la veille que c’est le bureau du premier ministre qui dépose les projets de loi. C’est avec cela en tête que M. Marcil a invité les participants à réfléchir à la nuance importante entre le fait de pouvoir parler aux politiciens et celui de les contraindre à une décision.

Dans notre système parlementaire actuel, le citoyen n’a aucune façon de prendre une part directe aux décisions. De là à dire que c’est une cause de son désabusement il n’y a qu’un pas. Les participants ont conclu que l’objectif d’assainir la démocratie québécoise passerait par des «structures plus petites, pour participer et développer les institutions, par exemple les conseils de quartier», a déclaré Romain Thibaud, vp aux communications de la CADEUL. À partir de la mi-décembre, vous trouverez au www.forumdemocratie.com des vidéos des conférences et des ateliers, de même qu’une présentation des conclusions pour chacun des thèmes abordés.