Le pétrole a beau ne pas être immortel, il semble encore avoir de beaux jours devant lui avant sa pénurie programmée. Si des alternatives existent bel et bien, l’heure n’est toujours pas au progrès.

 

L’adoption sous bâillon du projet de loi 106, qui lie la mise en œuvre de la politique énergétique à l’exploitation des hydrocarbures, en est un exemple patent. Un projet qui se veut ambitieux, mais dont un pan important contrarie municipalités et opposants : les sociétés pétrolières et gazières disposant d’un permis d’exploration auront le droit à «l’accès à un territoire qui en fait l’objet. » À ce jour, quelque 300 municipalités et des milliers d’opposants s’entendent pour défendre coûte que coûte le sous-sol québécois.

Impossible pour une municipalité ou un particulier propriétaire d’un terrain de refuser le droit d’expropriation. Rien de moins.

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L’industrie pétrolière grande gagnante de la loi 106 ?

L’Association pétrolière et gazière du Québec applaudit. « C’est important pour la confiance des investisseurs, réagissait sur Radio Canada, David Lefebvre, directeur des affaires publiques et des communications de l’association. Même pour la confiance des communautés dans lesquelles il y a des projets qui commencent à s’implanter. »

Pétrolia, qui détient près de 23 % du territoire québécois sous permis dont Anticosti, a renchérit. « Il s’agit d’une étape importante dans le développement ordonné d’une industrie pétrolière et gazière québécoise, qui permettra la mise en valeur de nos ressources collectives », a déclaré son pdg Martin Bélanger.

Des craintes fondées

Pour autant, tout le monde ne sourit pas à l’idée. L’acceptation sociale n’est pas au rendez-vous. La fronde s’organise pour dénoncer le droit à l’expropriation.

Lancée en 2014 pour alerter des risques majeurs du transport de pétrole sur le territoire québécois, la campagne citoyenne «Coule pas chez nous», poursuit son offensive.

 Une série de vidéos disponibles sur Youtube et destinée à démontrer les pièges du projet Énergie Est, figure parmi les outils qui permettent d’alimenter les arguments des opposants, qui craignent la multiplication des pipelines et oléoducs en sol québécois.

Inquiet, le Regroupement Vigilance Hydrocarbures Québec (RVHQ) dénonce pour sa part les dérives de ce « cadeau de Noël » fait aux industries pétrolières dans une lettre ouverte au gouvernement dans laquelle l’organisme questionne : « Qui dirige le Québec, Monsieur Couillard ? Vous ou le lobby des hydrocarbures ? »

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Dans un rapport rendu public le 13 décembre, l’Agence de protection environnementale étatsunienne (EPA) vient confirmer les craintes du regroupement en établissant un lien direct entre la fracturation hydraulique – nécessaire dans l’exploitation des hydrocarbures – et la contamination de l’eau potable.

Une marche de 16,6 km contre Enbridge et la loi 106 a lieu aujourd’hui même dans la métropole pour déplorer l’inversion de la ligne 9 d’Enbridge. La manifestation se clôturera en fin de journée à la Place de la Grande-Paix-de-Montréal.

Du pétrole bio grâce… au CO2 !

Si au Québec, le débat sur l’avenir du pétrole est vif il n’en demeure pas moins agité dans le reste du monde. L’accord sur le climat signé le 12 décembre 2015 au soir par les 195 États participants à la COP21 à Paris, demeure l’un des enjeux les plus commentés cette année. La conférence internationale fût notamment l’occasion d’éclairer sur des alternatives au pétrole. Et des alternatives, il y en a!

C’est à Alicante, ville espagnole très célèbre pour son attractivité touristique, qu’une entreprise a décidé de prendre les devants en 2006, année ou Al Gore sort son plaidoyer pour une planète plus propre dans « Une Vérité qui dérange ».

Bio Fuel System (BFS), incarnée par l’ingénieur français Bernard Stroiazzo Mougin, est la première à produire du bio-pétrole grâce à la conversion accélérée du CO2 en algocarburant via des micro-algues.

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L’entreprise récupère le CO2 émis par les industries polluantes – une cimenterie, en l’occurrence – avant de nourrir des micro-algues préalablement prélevées en mer Méditerranée. Ces dernières sont exposées à la lumière afin d’accélérer la photosynthèse. Leur nombre double en une seule journée.

Par la suite, les travailleurs de BFS en extraient de la pâte, principalement transformée en biocarburant (40 %) ou en produits riches en valeur ajoutée (60 %). Ces derniers sont utilisés dans les cosmétiques ou l’industrie pharmaceutique, par exemple.

« Ce qui est nocif pour la planète devient notre matière première », explique Alix Stroiazzo Mougin, fils du fondateur et directeur international du Business Development.

 

 « Pour remplir un baril de pétrole, nous devons capter deux tonnes de CO2, poursuit M. Stroiazzo Mougin. Ce que nous faisons, c’est que nous en neutralisons une tonne. En produisant du pétrole BFS, on ne change pas de mode de vie mais nous aidons la planète. Nous aurons toujours besoin du pétrole fossile. L’idée de mon père, qui est un visionnaire, c’est de le rendre propre. Nous sommes les seuls au monde capables de neutraliser du CO2. »

La voiture électrique, fausse réponse à un vrai problème ?

Le concept de véhicule électrique pour la neutralisation du CO2 est novateur et attise la curiosité de mastodontes pétroliers tels Total ou même des gouvernements. Toutefois, la priorité globale reste à l’épuisement de la ressource.

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De son côté, BSF trace son chemin grâce à des contrats en Afrique ou en Asie et arrive à s’auto-suffire.

Bien que l’entreprise n’envisage aucun projet d’expansion dans un avenir rapproché, ses dirigeants affirment que la technologie est facilement exportable. Encore faut-il en maîtriser les contours.

Pour le moment, les géants pétroliers « les ignorent ». BFS ne s’est d’ailleurs pas déplacée lors de la COP21. « Beaucoup de politiques ne sont pas compétents dans ce domaine, tranche Alix Stroiazzo-Mougin.

Prenez la voiture électrique. Cela fait des années qu’on nous la vend comme l’alternative parfaite au pétrole polluant. C’est oublier qu’une voiture électrique doit être alimentée par une batterie qui nous vient d’une centrale qui émet du CO2

Si BFS s’est davantage tournée sur les produits à forte valeur ajoutée, la société se tient prête le jour prochain où il n’y aura plus rien à forer. « Cela va vous étonner mais ce sont les Chinois qui sont les premiers à voir sur le long terme, note le dirigeant de la start-up. Ils pourraient avoir un coup d’avance sur les autres. »