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Le Cirque du Soleil, Cohabitat Québec, la Maison du développement durable, le  Technopôle Angus, le Moulin à images, ça vous sonne une cloche? N’eût été du flair des capteurs de rêves de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, communément appelée la CECOSOL, ces chantiers aussi novateurs qu’exceptionnels n’auraient jamais pris leur envol.

Voilà entre autres ce qu’on apprend au travers l’Histoire de la Caisse d’économie solidaire Desjardins – La passion des êtres, une petite bible de 150 pages illustrant l’à-propos d’une institution issue du monde ouvrier et bâtie contre vents et marées au tournant des années 70.

Conjuguer économie et solidarité

L’ouvrage rédigé sous la plume de l’historien Pierre-Olivier Maheux nous replonge dans un contexte où l’achat à crédit séduit de plus en plus de ménages et où les « compagnies de finance » font des affaires d’or. Choqué de constater que les gains au niveau des conditions salariales des ouvriers étaient absorbés par la société de consommation et l’exploitation des entreprises de crédit, le conseiller syndical André Laurin, après quelque 200 procès remportés contre les prêteurs usuraires, lancera au-delà de 80 caisses d’économie, dont la CECOSOL, mise sur pied aux côtés de Léopold Beaulieu. « À l’ouverture de la Caisse, le 24 février 1971, nous occupions un local au troisième étage situé dans l’édifice de la CSN à Québec. La Fédération de la métallurgie nous avait prêté quelques meubles afin que nous puissions accueillir les membres, témoigne M. Beaulieu dans le livre. Grâce à une entente avec l’Association coopérative d’économie familiale de Québec, nous offrions les jeudis et vendredis soirs un service de consultation budgétaire. Nous avions aussi une entente avec la Coopérative fédérée pour l’achat d’huile à chauffage et de pneus. C’est ainsi que nous pouvions négocier des avantages en utilisant le pouvoir d’achat des membres regroupés. »

Résolument déterminée à se distancier des établissements financiers conventionnels, la future CECOSOL, anciennement connue sous le nom de Caisse d’économie des travailleurs réunis de Québec, avait comme ambition d’« humaniser notre société par la coopération » en vue de faire « l’essai d’une société plus juste » par le biais des services à l’homme, la création d’entreprises et l’autogestion.

La liste des réalisations de la Caisse d’économie solidaire Desjardins se dévoile au fil de la lecture au travers une somme impressionnante d’archives, de photos, d’entrevues et de témoignages – fruit de deux ans de recherches de la part de l’auteur. La CECOSOL a notamment contribué à la création de près d’une entreprise d’économie sociale sur deux au Québec et compte parmi ses membres plusieurs mouvements coopératifs d’envergure (notamment 37 % dans le secteur de l’habitation et 33 % veillant à la défense des consommateurs). En 2004, la Caisse s’est clairement positionnée en faveur de l’investissement socialement responsable et du développement durable. Signataire des Principes pour l’investissement responsable (PRI), initiative mondiale soutenue par l’ONU, la Caisse intervient en parallèle dans plusieurs projets concrets à l’international comme c’est le cas notamment au Brésil, où elle collabore à la conception d’un bureau d’études et de projets afin de faciliter le financement des entreprises d’économie solidaire en partenariat avec la centrale des coopératives et entreprises solidaires UNISOL, conséquence directe de son alliance historique avec le milieu syndical. Ouvert la même année, le Carrefour financier solidaire constitue, selon Clément Guimond, ex coordonnateur général de la CECOSOL (1987-2006), une « vitrine pour l’économie sociale » et permet d’augmenter la synergie entre les divers leviers financiers créés au cours du temps tels Fondaction et Bâtirente.

Un morceau d’histoire

Dans une des dernières entrevues accordées avant son décès, André Laurin confie à Pierre-Olivier Maheux qu’à l’origine, l’idée d’une caisse à vocation sociale ne faisait pas l’unanimité. « Il y avait environ 175 curieux pour deux choses : rire du projet et voir son écrasement en plein cœur de l’après-midi. Quand on s’est quitté, il n’y en avait pas un qui riait et il y en avait déjà 60 qui avaient adhéré et qui avaient déposé 5 000 $ d’actifs sans intérêt. »

Bien qu’il baigne dans le milieu des caisses depuis plusieurs années en tant qu’historien à la Société historique Alphonse-Desjardins, Pierre-Olivier Maheux s’est dit particulièrement soufflé de l’audace comme de la vision de la CECOSOL. « Quand je racontais à des amis que les membres avaient opté en faveur d’un 0 % d’intérêt sur les épargnes ils ne me croyaient pas », confie M. Maheux. Le contexte économique aura finalement eu raison de cette mesure, mais l’établissement n’a jamais perdu de vue ses objectifs premiers. « L’idée était extrêmement originale et de voir que l’inspiration demeure, c’est encourageant », poursuit l’auteur. En effet, on peut lire qu’entre 2002 et 2014, les fonds socialement responsables détenus par les membres ont bondi de 2,2 M$ à 25 M$.

Vision et audace

« Il n’existe qu’une seule contestation qui soit vraie, c’est celle qui construit », écrivait André Laurin peu de temps avant de lancer son projet novateur. L’avenir de l’institution qu’il a mise sur pied est aujourd’hui d’autant plus reluisant que depuis le début des années 2000, 40 % de ses nouveaux membres ont 35 ans ou moins, apprend-t-on dans l’ouvrage de M. Maheux. Aux yeux de Sydney Ribaux, directeur général d’Équiterre, la Caisse « devrait changer de nom pour s’appeler la Caisse-qui-finance-les-rêves! Elle a cru que nous avions la capacité d’apprendre et de réaliser nos rêves les plus fous. » Aujourd’hui, la Maison du développement durable voit évoluer quotidiennement quelque 200 acteurs du milieu social et environnemental et a accueilli en 2015 plus de 25 000 visiteurs.

« La Caisse représentait pour moi la seule institution financière qui se rapprochait de mon idéal collectif, de mes préoccupations humanistes », indique l’actuel directeur général Marc Picard, bachelier en urbanisme et gestionnaire de formation. Son arrivée à la tête de la Caisse marque le changement de génération au sein de l’établissement. Le mot de la fin revient à Gérald Larose, ex-président de la CSN et président actuel de la CECOSOL, qui écrit en postface du livre : « La Caisse porte un projet de société, celui qui veut que l’économie soit un moyen et non une fin, qu’elle soit au service de l’humain et non le contraire, et qu’elle se déploie sans hypothéquer irrémédiablement l’avenir des générations futures. (…) Son engagement ira croissant, car les enjeux pour un monde plus juste, plus solidaire et plus durable sont planétaires. »