On arrive sur Terre avec un corps dans lequel nos idées prennent forme et évoluent, parfois au même rythme que lui. Au fur et à mesure que l’enveloppe charnelle qui nous a été attribuée se développe, les regards des mâles incarnés se modifient d’autant. Les gestes et les paroles aussi. Messieurs, un peu de respect s’impose.

Au début, comme tout le monde, on observe. On ignore que notre vie sera entièrement conditionnée par notre allure physique. Par le fait qu’un jour notre silhouette puisse nous prédestiner à une vie de rêve. Ou nous appeler à côtoyer l’enfer; la beauté peut parfois être ravageuse pour les femelles que nous sommes. « On devient une sorte de phénomène, de monstre », témoignait un jour Bianca pour Le Figaro.

Le poids de naître femme

Chez une femme, trente kilos font toute la différence. En trop, son salaire a du mal à franchir les 20 000$ annuel. En moins, elle touche le triple, selon une étude révélée sous la plume de Sylvia Galipeau en 2014.

Enfant-né, on plonge à bras le corps dans un océan d’amour et d’affection offert instinctivement par celle qu’on apprend à nommer « maman ». On a beau dire que Dieu est partout, c’est bien la mère qui est omniprésente: aux couches, aux chaudrons, aux éraflures, aux embrassades, aux volées comme aux envolées, au nettoyage, au moulin à coudre, au chevet. De la vie comme de la mort. Des malades comme des nouveaux-nés. Pourtant, on lui demande encore de s’effacer comme on le fait de ses victoires. Le mot a beau être féminin, on l’attribue plus souvent qu’autrement au genre opposé.

Dès lors qu’elle se met à explorer d’elle-même le monde qui l’entoure, la fillette commence à percevoir la faille qui distingue le moustachu bourru de la dame aux paroles tendres et aux gestes doux. Une caricature? Au niveau mondial, 35% des femmes ont subi des violences au cours de leur vie, selon l’Organisation mondiale de la santé.

L’appât rance

À l’école, les livres vont apprendre à l’enfant née fille que sa place est à la maison. Ceux qui rêvent d’espace et le prenne ne sont pas de sa race. Pourtant, au tréfonds de son cœur, une question taraude la fillette : pourquoi?

Grâce à Jean de la Fontaine, je suis devenue féministe. Je n’ai pas retenu les fleurs lancées à l’endroit du poète, mais le pot. Au lait, s’il-vous-plaît.

Quand, en guise de premières lectures, on impose le caractère insignifiant de la pauvre Perrette, qui pécha par excès d’enthousiasme après avoir eu la gentillesse d’aller vendre le nectar de ses vaches à la ville et qui, à cause d’une malencontreuse gaffe survenue à un moment d’inattention, va « s’excuser à son mari, en grand danger d’être battue », l’évidence apparaît : il faut s’émanciper et vite. S’affranchir de la mainmise de cet homme qui cherche des domestiques, sous sa plume ou son aile entière.

Le conte de Blanche Neige les encourage d’autant: « Veux-tu faire notre ménage, les lits, la cuisine, coudre, laver, tricoter ? En ce cas, nous te garderons avec nous et tu ne manqueras de rien. » Décrotter sept nains avec deux seules mains? Non merci!

Heureusement, Elena Favilli et Francesca Cavallo ont décidé de rafraîchir notre bibliothèque avec un ouvrage intitulé avec humour Good Night Stories for Rebel Girls et dans lequel le duo illustre le parcours et la vie de 100 femmes remarquables de par leurs exploits. Des modèles à imiter.

Ces jeunes femmes le sont d’autant, si l’on s’en fie aux Lettres numériques de la Fédération Wallonie-Bruxelles : en l’espace de quatre ans, elles ont proposé 12 applications mobiles, 6 livres et un e-magazine pour enfants, par le biais de leur start-up Timbuktu. Une façon de modifier positivement l’image de la femme dans la littérature enfantine.

Vénus en mal d’amour

Près de 30 millions de fillettes risquent l’excision au cours de la prochaine décennie. Plus du double ne va pas à l’école. Chaque année, 15 millions de jeunes filles sont mariées avant l’âge de 18 ans.

Avec la magie de l’endoctrinement, près de 75% d’enfants sondés en Inde estiment que la place d’une femme se trouve à la maison. Et surtout, n’allez pas croire qu’au Canada, la condition féminine se porte bien : en politique, les femmes obtiennent un maigre 25 % de représentation, ce qui place le pays au 19e rang du palmarès du dernier rapport Every Last Girl sur la qualité de vie des femmes et des jeunes filles de l’organisation Save the Children.

Qu’elle soit grosse ou laide, divine ou fatale, disproportionnée de cœur ou de corps, plus souvent qu’autrement, la femme est appelée à réparer le monde et pas seulement des bas troués. Elle replace les sentiments refoulés, les egos blessés, les cravates mal mises. Elle essuie les refus, les menaces, les insultes et les blessures.

Puis un jour, la voilà vieille. Elle sourit, édentée. Sa marmaille a plus ou moins bien tourné mais elle a fait des petits, qu’elle s’empresse de câliner. Pourrait-on enseigner aux garçons grandissants un peu de respect envers elle? Messieurs, on ne réussira pas sans vous.