Le Forum international de l’économie sociale et solidaire est l’occasion de rencontres riches avec des acteurs de changement social pour qui la solidarité est non seulement une valeur, mais également un moteur économique. De nombreux participants ont ainsi fait la rencontre de Jean-Thomas Henderson, co-fondateur et directeur hôtelier de la Coopérative de solidarité V.E.R.T.E. (Vision Entrepreneuriale Régionale Touristique et Environnementale). Assez unique en son genre, cette coopérative propose depuis cinq ans aux visiteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean une expérience d’hôtellerie et de tourisme axée sur le développement durable et la valorisation de la culture régionale.

Fondée en 2006, la Coop V.E.R.T.E. est d’abord un projet de reprise de l’Auberge la Villa au Pignon Vert située à Chicoutimi, qui appartenait alors à Alejandro Rada, lequel fut d’ailleurs l’un des fondateurs de la coopérative. Plutôt que de simplement reprendre les activités de l’auberge, la coopérative décide de l’intégrer dans un projet de développement plus large se déployant sur quatre axes : offrir une vitrine du développement durable, soutenir et mettre en réseau l’entrepreneuriat régional, valoriser l’économie sociale et, finalement, développer le réseau hôtelier et touristique.

Aujourd’hui, la Coop V.E.R.T.E. regroupe l’Auberge au Pignon Vert, une Auberge de Jeunesse, un bar situé au sous-sol de cette dernière, en plus de deux bases de plein-air situées dans des parcs nationaux du Québec. Offrant du travail à plus d’une vingtaine d’employés, la Coop V.E.R.T.E. est également fortement ancrée dans son milieu social, comptant pas moins de 350 membres supportant ses activités et sa vision.

Cette vision, elle consiste à promouvoir un modèle d’entreprise – la coopérative – qui place la solidarité au cœur de l’activité économique, de même qu’en une préoccupation pour les pratiques « durables », tant par rapport à la gestion des établissements que par l’offre d’activités touristiques éco-responsables.

Jean-Thomas Henderson, co-fondateur et directeur hôtelier de la Coopérative de solidarité V.E.R.T.E.
Photo: N.Falcimaigne

« Nous, ce qu’on met de l’avant, c’est d’aller chercher les gens qui veulent vivre une expérience de tourisme alternative. On veut faire vivre une expérience de tourisme qui repose sur des principes de développement durable. Pour nous, le développement durable n’est pas une fin en soi, mais plutôt un questionnement constant sur nos façons de fonctionner et un souci de toujours prendre en compte les dimensions sociale, économique et environnementale dans chacun de nos choix et de nos actions. »

L’Auberge de Jeunesse de la Coop V.E.R.T.E. est ainsi la seule au Canada à avoir reçu quatre clés vertes sur cinq de l’Association des hôteliers du Canada, ce qui certifie que ses activités respectent des normes élevées en matière environnementale. Plus encore, la coopérative a adhéré au programme Carbone boréal de l’Université du Québec à Chicoutimi, qui consiste à compenser la production de gaz à effet de serre de ses activités et de sa clientèle en finançant la plantation d’arbres par une coopérative forestière.

« Pour nous, le tourisme durable doit respecter l’environnement, être ancré dans la communauté et faire vivre la culture régionale. En ce sens, le modèle coopératif nous a permis de rapidement tisser des liens avec les gens du quartier, mais aussi avec nos fournisseurs, avec certains desquels nous avons une relation privilégiée, notamment ceux qui partagent vos valeurs et notre mode de gouvernance. »

Les défis de l’économie sociale

Si le destin sourit à la Coop V.E.R.T.E., de nombreux obstacles se dressent encore devant les jeunes entrepreneurs qui la portent. « Nous sommes jeunes, nous sommes une coopérative et nous œuvrons en tourisme et en hôtellerie, un secteur à risque », de résumer Jean-Thomas Henderson.

Le modèle coopératif semble encore être l’objet d’un préjugé négatif de la part des milieux d’affaires et financiers. Cette perception rend d’autant plus difficile le développement et la croissance, puisqu’une coopérative ne peut pas offrir de cautionnement personnel comme un entrepreneur traditionnel pourrait le faire auprès d’une institution financière. Par ailleurs, plusieurs intervenants du monde des affaires ont encore tendance à percevoir le modèle coopératif comme étant synonyme d’une gestion « broche-à-foin », une vision qui n’est pas aidée par le fait que les coopératives soient pratiquement absentes des regroupements d’affaires existants.

« Le système en soi n’est pas favorable à l’entrepreneuriat collectif. Il y a une incompréhension des conseillers financiers et en développement, à qui il a parfois fallu qu’on explique ce qu’est une part-sociale, voire même une coopérative… Moi, je suis membre de la Chambre de commerce de Saguenay, et je crois vraiment que c’est en allant dans ces lieux-là qu’on va changer les perceptions et montrer que les coopératives peuvent avoir du succès et créer de la richesse. »

Or, la richesse créée par les coopératives dépasse souvent la seule comptabilité. En favorisant les retombées pour la communauté, le profit n’est pas que financier, il est aussi social. Et ce n’est pas un petit groupe de dirigeants qui en profite, mais l’ensemble du tissu social