Montréal-  Le projet de monorail à grande vitesse au Québec semble tourner au ralenti, pourtant plusieurs groupes sont actifs et tentent de faire avancer le projet. Pour avoir plus de poids, la coopérative MGV a adopté une stratégie nouvelle dans ce dossier: impliquer les citoyens pour ce projet de société. Les citoyens pourraient-ils faire pencher la balance?

Tout est parti de l’invention du moteur-roue en 1994 par Pierre Couture, physicien pour Hydro-Québec. Cette technologie permettrait de créer un monorail à grande vitesse (MGV) qui desservirait plusieurs villes du Québec. Une cabine sur un rail suspendu qui se déplace à  250km/h uniquement grâce à l’électricité, c’est l’idée de ce MGV. Imaginez un trajet Québec-Montréal en un peu plus d’une heure. Du jamais vu! Et nous ne sommes pas prêts de voir un MGV passer de sitôt, car pour le moment tout reste à faire, ou presque.

Pour qu’un projet comme celui-là se développe, il faut commencer par tester la technologie. Les premières études pour valider ou invalider le concept de monorail à grande vitesse coûteraient entre 200 et 250 millions $. Il y a donc un risque technologique et un risque financier. Si la technologie est approuvée, il faudra ajouter à cela les coûts de réalisation des infrastructures estimés à 3 milliards $ pour le tronçon Montréal-Québec. Chaque ligne additionnelle coutera 9 millions $ par kilomètre. Autant dire que c’est un projet d’envergure pour la province.

Depuis 20 ans, plusieurs acteurs démarchent pour trouver des investisseurs et convaincre le gouvernement provincial. Trois entités principales voudraient se voir confier la réalisation du projet: TrensQuébec (société privée), MGV Québec (OBNL) et la Coopérative de solidarité du Monorail à Grande Vitesse (dite coopérative MGV).

Créée en 2014, la coopérative MGV est un acteur tout récent. Voyant que le projet de MGV peinait à avancer, les fondateurs ont préféré développer une tout autre stratégie que ses concurrents: faire appel aux citoyens. «Ça prend du courage pour mener de l’avant un projet comme celui-là. On pensait que les politiciens n’auraient pas ce courage sans l’appui de la population», explique Patrick Leclaire, président de la coopérative MGV.

Une coopérative pour un projet de société 

Outre les avantages environnementaux (réduction des émissions de gaz à effets de serre, réduction de la dépendance au pétrole), ce projet représente un intérêt économique intéressant  pour le Québec. Réaliser un réseau de transport collectif pourrait favoriser le développement des régions, créerait de nombreux emplois et doterait la province d’une nouvelle expertise.

Selon Julie Trudel, représentante des membres de soutien de la coopérative MGV, c’est un projet qui donnerait une grande visibilité au Québec sur la scène internationale. La coop MGV souhaite, par son modèle de coopérative, assurer que la propriété intellectuelle de cette nouvelle technologie reste entre les mains des Québécois. «Je crois qu’un projet de cette envergure-là, nécessitant des infrastructures publiques, devrait appartenir aux québécois et au gouvernement. Ça fait longtemps que le Québec n’a pas eu de projet de société», justifie Julie Trudel.

L’idée c’est de solliciter les citoyens pour mobiliser les différents acteurs. Cette coopérative de solidarité permet à tous ceux intéressés par le monorail de participer. Selon Patrick Leclaire, «avec un grand nombre de personnes impliquées dans le projet, la coopérative MGV sera en mesure d’influencer l’ensemble des parties prenantes et de mettre de l’avant ce projet-là.»

La coopérative regroupe aujourd’hui plus de 300 membres, mais c’est bien peu comparé à leur objectif d’atteindre 2000 membres d’ici la fin de l’année 2015.

Trois conducteurs pour un monorail?

«Le fait que le projet stagne depuis plusieurs années apporte un défi important pour maintenir la motivation de la population», pense Pierre Langlois, physicien et auteur d’une première étude sur le monorail à grande vitesse. Lui est convaincu que le concept est génial et que c’est un projet faisable au Québec. En revanche, «le fait qu’il y ait trois entités, ça n’aide pas à donner de la crédibilité au projet», estime M. Langlois.

TrensQuébec, MGV Québec et la coopérative MGV n’ont pas trouvé de terrain d’entente pour mettre leurs efforts en commun. Les objectifs et les moyens diffèrent. Si la coopérative MGV mise sur la participation citoyenne pour faire pencher la balance, ce n’est pas l’approche de ses concurrents.

Nicklaus Davey, cofondateur et coordonnateur de MGV Québec, pense que c’est le gouvernement qui peut débloquer la situation. «On peut bien mobiliser la population pour sensibiliser les autorités mais ça aura une péremption cette stratégie-là. Parce qu’à un moment donné, soit on passe à l’action, soit on laisse le monorail passer», déclare Nicklaus Davey. Le risque selon lui, c’est que le Québec rate le train.

De son côté, TrensQuébec se tourne maintenant vers les investisseurs étrangers pour mettre toutes les chances de son côté. Selon Jean Paul Marchand, le directeur de TrensQuébec, la popularité du projet auprès du grand public est claire, mais ça ne suffit pas pour débloquer la situation. «Les gens croient dans le potentiel de ce projet, mais ça prend plus que l’appui populaire semble-t-il, ça prend de l’argent et évidemment l’argent du gouvernement», insiste M. Marchand.

Le Québec en est à son troisième plan d’électrification des transports. Le gouvernement Marois incluait le projet de monorail dans sa stratégie, quant au gouvernement Couillard, il n’en fait plus mention dans le nouveau plan d’action en électrification des transports 2015-2020. Reste à savoir si le climat de la COP21 sera favorable à ce type de projet.