Plus d’un an et demi après sa création, où en est la campagne Coule pas chez nous! et quels sont ses plans pour la nouvelle année? Depuis que le maire de Montréal, Denis Coderre, a pris position contre le projet Oléoduc Énergie Est, Coule pas chez nous! relance la mobilisation sur le terrain pour sensibiliser la population aux enjeux pétroliers.

Qui sont-ils?

Le 10 mai 2014, des centaines de citoyens se joignent à la Marche des Peuples pour la Terre Mère, une marche de plus de 700 km entre Cacouna et la réserve mohawk de Kahnawake. C’est lors de cette marche, qui suivait les tracés des oléoducs projetés par Enbridge et TransCanada, que le slogan «Coule pas chez nous!» commence à apparaître sur les pancartes.

Le projet Énergie Est de TransCanada vise la construction d’un pipeline qui transporterait environ 1,1 million de barils de pétrole par jour de l’Alberta et la Saskatchewan vers l’Est du Canada et le Nouveau-Brunswick. La campagne Coule pas chez nous! est née d’un rassemblement entre les différentes organisations s’opposant à ce projet. Elle a en fait pour mission de sensibiliser la population à l’enjeu pétrolier et, plus particulièrement, au transport de pétrole non conventionnel.

Anne-Céline Guyon, coordonnatrice actuelle de la campagne, déclare qu’«à la base, Coule pas chez nous! est le fruit d’une volonté de la part des groupes Stop Oléoduc de se donner un argumentaire solide pour faire de la mobilisation sur le terrain». Selon elle, «les comités citoyens qui faisaient du porte-à-porte se sont vite rendu compte qu’ils avaient besoin d’outils pour parler avec la population et convaincre les gens de se rallier à la cause». Coule pas chez nous! existe donc d’abord et avant tout pour soutenir ces citoyens en leur fournissant les outils nécessaires pour mieux informer la population sur les conséquences possibles du projet Énergie Est sur notre territoire.

Qu’ont-ils accompli?

En avril 2015, TransCanada confirmait sa décision de ne pas bâtir un port pétrolier à Cacouna, au beau milieu d’une pouponnière de bélugas. Mme Guyon rappelle que «c’était une belle bataille remportée par les comités citoyens».

Le soutien de Gabriel Nadeau-Dubois a donné beaucoup de visibilité à la campagne. En novembre 2014, le jeune militant a remis le montant de la bourse de son prix du gouverneur général, soit 25 000 $, à la fondation Coule pas chez nous! et a invité la population à doubler la mise. Au total, plus de 403 000 $ en dons ont été amassés. Mme Guyon souligne que ces fonds servent principalement à financer des initiatives locales de «comités citoyens qui luttent sur le terrain», telles que la venue de conférenciers. Ils permettent aussi la production de pamphlets, de pancartes «que les comités citoyens peuvent ensuite distribuer à la population». En fait, selon elle, c’est là le pouvoir de Coule pas chez nous!: «Plus la population est informée, plus elle est contre le projet Énergie Est.»

Une mission élargie

La fin de l’année 2015 a été notamment marquée par la Marche mondiale pour le Climat le 29 novembre et par la Conférence de Paris sur le climat (COP21) en décembre. Anne-Céline Guyon était à la COP21 et elle retient deux mots pour décrire son expérience: décalage et alliance.

Décalage, d’abord, entre la société civile mondiale et les instances officielles: «pour la société civile, ça va de soi que la question des droits de l’homme, des droits de la femme et des Premières Nations aurait dû se trouver dans l’accord. On ne peut pas parler de transition énergétique sans parler de justice sociale. La société civile est rendue là, alors que les diplomates et les politiciens, eux, ont essayé au maximum de se débarrasser de ces questions dans les négociations officielles».

Alliance, car «pour la première fois de l’histoire, les 195 pays s’entendent pour dire qu’il y a changement climatique et que l’humain y est pour beaucoup.» Alliance, aussi, entre les citoyens: ceux d’un peu partout dans le monde ont pris conscience que, même s’ils ne se battent pas pour les mêmes problèmes environnementaux, ils se battent «contre les mêmes personnes, les mêmes multinationales», contre un «système économique capitaliste qui rejette complètement les droits humains et exploite au maximum les ressources naturelles au détriment de tout le reste.»

Autrement dit, Anne-Céline Guyon est revenue de Paris en voyant encore plus l’importance des mouvements tels que Coule pas chez nous!.

Promotion des alternatives

Coule pas chez nous! a beaucoup de projets pour l’année à venir: «On n’a pas beaucoup mis l’accent sur le transport de pétrole par train et par bateau, mais ça s’en vient en 2016, déclare Mme Guyon. Avec l’inversion de la ligne 9B d’Enbridge qui a démarré au mois de décembre, il y a une augmentation du trafic maritime sur le fleuve St-Laurent. Le pétrole qui arrive par la ligne 9B alimente la raffinerie de Suncor à Montréal, puis il est transbordé sur des navires-citernes jusqu’à la raffinerie d’Énergie Valéro à Lévis.»

La principale mission de la campagne pour 2016 restera d’informer la population sur les dangers du transport de pétrole et, surtout, de proposer des solutions: «On veut développer ce volet-là, car on constate sur le terrain que les gens ont peur. Ils ont l’impression que si on dit non au pétrole, tout va s’effondrer. Pourtant, il y a beaucoup de beaux projets qui sont en cours.»

La coordonnatrice de Coule pas chez nous! rappelle d’ailleurs que le Canada est le pays idéal pour amorcer une transition énergétique: «au Québec, on a l’hydroélectricité et il ne faut pas oublier que l’Alberta est la région la plus ensoleillée du Canada, elle a un potentiel d’énergie solaire incroyable.» Selon weatherstats.ca, qui tire ses données du site web d’Environnement Canada, Calgary et Edmonton occupent respectivement le premier et le troisième rang des villes les plus ensoleillées au Canada. «Les solutions sont facilement implantables ici, insiste Mme Guyon. Prenons ça à bras le corps, il faut en faire un vrai projet de société.»