À compter du 1er avril 2011, Nutrition Nord Canada remplacera officiellement le programme Aliments-poste, mieux connu sous le nom Food Mail. Dans les communautés du Grand Nord canadien – où se seront dorénavant les détaillants qui recevront les subventions gouvernementales – les résidents craignent, en bout de ligne, de ne pas en profiter.

À l’origine, le programme Aliments-poste avait été mis sur pied afin de favoriser l’accessibilité des collectivités isolées du Nord à des aliments périssables ou autres articles essentiels, en offrant un tarif postal réduit. Ainsi, la subvention profitait directement au consommateur.

Au 1er avril 2011, ce sont les détaillants, les fournisseurs, les fabricants et distributeurs qui recevront le financement de Nutrition Nord. Selon le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (MAINC), qui administre le programme, cela leur « permettra de négocier le meilleur prix possible pour leur clientèle ». Néanmoins, une question demeure : le consommateur en profitera-t-il ?

Les subventions qui sont dorénavant accordées aux détaillants – qui négocieront eux-mêmes leurs coûts de transport avec les compagnies aériennes – sont sensées bénéficier aux consommateurs. Les communautés craignent de se faire refiler la facture. À Iqaluit, la capitale nunavoise, où l’on ne retrouve pas moins de trois marchés d’alimentation, il y a une certaine concurrence. À l’extérieur de la capitale, les hameaux ne comptent souvent qu’un seul marché d’alimentation ou magasin général, souvent de type coopératif.

À Repulse Bay, la Co-op – construite en 2003 – a précédé l’installation d’un Northern store en 2004. Il s’agit de l’une des 31 entreprises coopératives du réseau de la Arctic Co-operatives Ltd, qui dessert le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest. Le réseau coopératif, qui a réalisé des revenus combinés d’environ 177 millions de dollars en 2009 et versé 7,6 millions de ristournes à ses membres, est un excellent exemple de développement économique et d’autonomie pour les communautés autochtones. À la fois détaillants et consommateurs, les membres propriétaires des co-op qui bénéficieront des subventions pourront exercer un plus grand contrôle sur la réduction des prix. Ayant comme objectif de fournir des services de marchandises d’une manière plus économique et efficace, les Co-op de l’Arctique canadien semblent être toutes désignées pour prendre la relève là où le gouvernement a échoué : nourrir le Nord, à un prix plus décent.

Hausses de prix

Favorisant une alimentation saine, Nutrition Nord diminuera ou éliminera complètement les subventions accordées à certains aliments jugés moins nutritifs par le Guide alimentaire canadien. Les premières modifications apportées au programme sont entrées en vigueur le 3 octobre 2010. Depuis quelques mois, plusieurs denrées alimentaires ne sont donc plus subventionnées par le gouvernement fédéral et une hausse considérable des prix de certains aliments a été remarquée chez les détaillants. Dans la capitale du Nunavut, si les résidents trouvaient que 11,99 $ était cher payé pour 1.89 litres de crème glacée, les 16,99 $ actuels frôlent l’indécence.

Par aliments moins nutritifs, on entend certains aliments jugés trop gras, tels les croissants, la crème, crème glacée, le yogourt glacé, fromage à la crème, fromage à tartiner, la margarine hydrogénée et le bacon de flanc. Également, toutes les denrées non périssables ainsi que tous les articles non alimentaires – à l’exception de certains articles jugés essentiels tels la farine tout usage, le lait concentré et l’huile à cuisson -, seront éliminés du programme. Ce sont plus de 70 000 personnes éparpillées dans 80 collectivités du Nunavut, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest, qui seront touchées par ces changements.

La difficulté à s’alimenter, à trouver des aliments – frais et abordables – demeure l’un des plus grands défis dans les communautés isolées. En 2008, le MAINC avait évalué le panier de provisions nordique hebdomadaire pour quatre personnes entre 360 $ et 450 $ dans la plupart des collectivités éloignées, comparativement à 200 et 250 $, dans le sud du Canada.

Si les supermarchés se retrouvent souvent en situation de monopole, le gouvernement fédéral a sa part de responsabilité à jouer dans l’accessibilité des aliments. Avec le nouveau programme, les communautés voient déjà leur panier d’épicerie augmenter drastiquement. À Arctic Bay, un hameau situé au nord de l’Île de Baffin, le Northern Store offre le fromage à tartiner Cheez Whiz à 29 $, le cocktail aux canneberges à 38 $ et le sac de poulet pané à 77 $. Bien que ce ne soit pas des aliments considérés santé, il n’en demeure pas moins qu’ils se retrouvent souvent dans les paniers de provisions des consommateurs.