Bernie Sanders est sorti des écrans radar au Québec, mais pas au Vermont : il a lancé le 24 août une initiative qui vise à rappeler que pour qu’une véritable révolution politique se réalise aux États-Unis, c’est au niveau des élections locales qu’il faut travailler, autant sinon plus qu’à l’échelle des présidentielles.

« Ce sont des gens qui vont se battre à partir de la base pour des changements dans leurs conseils scolaires, leurs conseils municipaux, leurs législatures d’États et leurs représentants à Washington », a déclaré le sénateur du Vermont lors du lancement de Our Revolution à Burlington. L’objectif de cet organisme est de ramasser des fonds et de mobiliser les troupes pour faire élire des candidats progressistes aux quatre coins du pays. Le lancement a été suivi sur Internet par 2600 rassemblements locaux totalisant près de 40 000 partisans, selon Shannon Jackson, directeur du mouvement.

Il faut rappeler que le 8 novembre, les États-Uniens éliront plus qu’un président : ils voteront en même temps pour le gouverneur de leur État, pour leurs élus basés à Washington et dans leurs capitales d’État respectives, de même qu’au niveau des villes et autres juridictions. Plusieurs référendums se tiendront simultanément. Sur son site, Our Revolution identifie 100 candidats « progressistes ».

Au Vermont par exemple, l’environnement est souvent ressorti ces dernières semaines parmi les enjeux-clefs des élections de novembre. Matt Dunne, considéré comme l’un des favoris au poste de gouverneur chez les démocrates, a perdu l’investiture de son parti le 9 août après avoir changé de position sur les éoliennes : il a proposé d’accorder un droit de veto aux municipalités où ces engins doivent être installés, ce qui a provoqué la colère des verts.

Incidemment, la question des changements climatiques ne fait pas débat au Vermont, bien que le candidat républicain au poste de gouverneur, Phil Scott, admet leur existence et y voit un enjeu important qui a déjà commencé à affecter l’économie locale.

Par ailleurs, depuis des années, le Vermont est aux prises avec des invasions d’algues dans le lac Champlain, déversements causés par les agriculteurs, en particulier les éleveurs de vaches — et la vache occupe une place de choix parmi les emblèmes du Vermont. Les autorités ont tenté de serrer la vis aux pollueurs, sans succès apparent, et une loi votée en début d’année, censée suivre à la trace les explosions d’algues, se serait avérée inefficace cet été, selon des experts interrogés le 18 août par la radio publique du Vermont.

Jon Erikson, de l’École Rubenstein de l’environnement à l’Université du Vermont, souligne depuis des années les dégâts causés au lac —les algues, en bouffant l’oxygène, tuent tous les poissons à des kilomètres à la ronde. Le spécialiste a produit en 2011 et 2012 une série de courts documentaires sur le sujet intitulée Bloom.

Bill McKibben constitue un autre signe de l’importance des dossiers verts. Résident influent du Vermont, c’est un des militants environnementaux les plus connus des États-Unis. Endossant très tôt Sanders face à Clinton, il a fait partie cet été des délégués de Sanders dans l’écriture de la plateforme du parti démocrate et le 24 août, il présentait le sénateur au lancement de Our Revolution.

Un troisième parti

Le Vermont est un des rares États américains à compter un troisième parti qui fait plus que de la figuration : le parti progressiste, à gauche des démocrates, fait élire et réélire quelques-uns des siens dans la capitale, Montpelier, depuis les années 1980. L’un d’eux, David Zuckerman, après 14 ans comme élu local sous la bannière progressiste, est désormais candidat au poste de lieutenant-gouverneur (l’équivalent local du vice-président).

Sur la pollution du lac Champlain toutefois, c’est le silence chez les progressistes. La plateforme du parti souligne à grands traits combien l’agriculture, « spécialement les fermes familiales », est « essentielle à l’économie et au patrimoine culturel du Vermont », mais n’effleure pas le sujet des déversements ou un éventuel durcissement de  la réglementation agricole.

Le 9 août, Zuckerman a remporté les primaires du parti démocrate du Vermont en vue des élections de novembre pour le poste de lieutenant-gouverneur, avec une majorité plus forte que prévue. C’est « l’effet Bernie », ont ironisé les observateurs : Zuckerman avait en effet été endossé par Sanders, et il figure parmi les 100 « cibles » de Our Revolution.

« Notre but doit être d’élire des progressistes à tous les niveaux », a insisté Sanders le 24 août. Parmi les 99 autres candidats, on remarque une autochtone au Nebraska, Vernon Miller, et Russ Feingold au Wisconsin, un des rares élus à s’être opposé à l’époque à la guerre en Irak. En Floride, un dénommé Tim Canova luttait contre Deborah Wasserman-Schultz, celle-là même qui avait dû démissionner de son poste de présidente de la convention démocrate cet été, en raison de ses liens étroits avec Hillary Clinton. Canova a été défait le 30 août.

Our Revolution prend position sur sept référendums, dont un sur l’abolition de la peine de mort en Californie et un autre sur la création au Colorado d’un système d’assurance-maladie universel similaire au nôtre. Sanders s’est également engagé à ce que Our Revolution fasse campagne contre le Partenariat Transpacifique.