Nous payons collectivement, sans questionner et sans compter, pour un bon nombre de projets – éthiques ou pas – qui sont contraires à nos valeurs. Y a-t-il des limites à se mettre la tête dans le sable ?

La Caisse de dépôt et placement du Québec, Investissement Québec et autres institutions du genre, utilisent l’argent des contribuables québécois comme si elles jouaient à la Bourse. Servent-elles vraiment nos intérêts, ou participent-elles plutôt à une joute de Monopoly à ciel ouvert avec les membres d’une élite financière, sans égard pour notre bien-être collectif? La question se pose.

La « nouvelle salle de bain » de 450 millions de dollars, de la cimenterie de Port-Daniel en Gaspésie, est un bon exemple du ridicule consommé de ces façons de faire. Pratiquement personne ne les remet en cause. Pour couper court à toute remise en question de telles pratiques, on nous rappelle à l’infini le nombre d’emplois à être créés. Y a-t-il espoir qu’un jour, au Québec, un nombre significatif d’individus décident d’agir de manière concertée? Le « Penser globalement et agir localement » pourrait-il s’appliquer à la gestion démocratique de territoires autonomes gérés par et pour les personnes y habitant?

Des projets basés sur des valeurs de partage et de bien-être collectif fondamentalement ancrés dans la psyché québécoise, ce n’est pas ce qui manque. Mais ces « représentants », qu’on élit avec autant de laxisme qu’on s’intéresse à la chose politique, n’aident la cause de personne sinon celle de la confusion, mère du statu quo. De manière tristement ironique, nos régimes de retraite, créés pour nous permettre un avenir meilleur, contribuent aujourd’hui à supporter le projet le plus polluant de l’histoire du Québec.

Que faut-il faire alors?

Et bien justement, il faut faire. Arrêter de regarder ailleurs et saluer chaque action concrète qui, si petite soit-elle, s’ajoute au mouvement positif engendré par de plus en plus de citoyens, souvent discrets mais ô combien avisés. Y aller dans la mesure de nos moyens, et surtout, se parler! Se voir. Mettre en commun nos outils et nos connaissances. Savoir que nous ne sommes pas seuls dans notre coin à gosser sur un lopin de terre ou à planter en ville un éventuel toit vert.

Depuis 2011, Visages régionaux a pris le taureau par les cornes, en documentant les tendances émergentes qui, de manière structurante, agissent sur les communautés rurales et sur la société québécoise dans son ensemble. En Europe, The Transition Network recense les projets citoyens en faveur d’une transition écologique soutenue: dépendance au pétrole, changements climatiques et inégalités économiques, sont systématiquement pris en compte. En plus de constituer de magnifiques banques de données, ces deux initiatives permettent aux personnes intéressées d’avoir accès aux gens derrière ces projets et à leurs savoirs.

Ce fameux 1 %, détenant supposément les cordons de la Bourse, n’a de pouvoir que celui qu’on lui donne individuellement. Il n’en tient qu’à chacun de nous de détourner cette énergie – sous forme monétaire ou de travail – vers des actions qui reflètent nos valeurs. L’autodétermination est une bibitte qui fait peur. On nous la présente comme une forme d’organisation indomptable, voire violente. Oui, elle est violente l’indépendance lorsqu’on l’emprisonne. Et de nos jours, le choix de prisons est presque illimité: médiatique, scolaire, monétaire, religieuse, financière, etc.

Je nous invite donc à relever, sinon les genoux, au moins la tête. La sortir du sable pour regarder autour de nous, ne serait-ce que quelques heures par semaine, en se demandant : « Existe-t-il des façons de faire qui reflètent mes valeurs plus que ce qui m’est offert depuis toujours? »

Martin Zibeau est utopiste actif, cofondateur de la coopérative de transition Horizons gaspésiens, de la monnaie complémentaire Le Demi et du Loco Local de Bonaventure. Il a participé récemment à l’écriture du dossier Forces vives sur la Gaspésie de la Revue À Bâbord! ainsi qu’à l’essai collectif Sécession; et si la Gaspésie devenait un pays libre! Il s’active présentement au développement d’un Système d’Échange Local en Gaspésie, question de proposer des solutions concrètes à la sortie du capitalisme.

  1. Maryse Tremblay, relationniste pour Ciment McInnis, La cimenterie de Port-Daniel sera plus chère de 440 millions 30 juin 2016 | Boris Proulx – avec Alexandre Shields
  2. Rapport d’enquête sur les dépassements de coûts et de délais du chantier de la Société Papiers Gaspésia de Chandler
  3. Cimenterie et menteries le Devoir 6 juillet 2016
  4. Principaux clients de la CDPQ