Connu pour son roman à succès Le zèbre, l’auteur et scénariste Alexandre Jardin annonçait ce matin qu’il entend être candidat hors parti aux élections présidentielles françaises. Entrevue exclusive avec un « faiseux » hors normes.

Dans Le zèbre, ce drôle d’animal déclare : « Impossible n’est pas français, surtout en amour ! » Est-ce l’amour de la France qui vous fait lancer dans cette aventure politique?

Éperdument! Et Dieu sait que j’aime le Québec! Fondamentalement, chaque fois que la France se referme, elle cesse d’être elle-même. Quand elle travaille pour l’homme, j’ai envie de l’embrasser. On va essayer de bien se conduire avant que le Front national gagne. Je pense que c’est un devoir moral. Ça perturbe ma vie privée et ma vie d’écrivain mais vient un moment où il faut s’occuper des autres. S’occuper de son pays. Il faut faire sa part. Et je suis très honnête avec moi-même. Il s’agit vraiment de prendre le pouvoir pour le donner. Pas pour le garder à l’Élysée.

Comment avez-vous mijoté le projet?

Ça fait des années que je parcours la France pour aller chercher non pas des « diseux » mais des « faiseux », ces gens qui réparent le pays. Et au fil des ans, je me suis rendu compte qu’on avait des solutions à pratiquement tout mais qu’il y avait un véritable problème de mobilisation de notre génie national. Et on a un état ultra-centralisé, ce qui crée beaucoup de révolte. On s’est dit qu’on ne pouvait pas accepter qu’aux élections de 2017, il y ait une offre uniquement centralisatrice et technocratique qui ne propose pas aux territoires locaux un véritable acte de confiance, un partenariat gigantesque qui donne le pouvoir aux citoyens.

15327267_380769832255049_1588538751719266316_n-alex

La démocratie, ça ne peut pas avoir lieu tous les cinq ans. Il faut que ça ait lieu tout le temps.

 

Il faut qu’il y ait de la co-construction. Et ce que je dis, ça n’existe pas dans les partis politiques en France.

Pas même chez Jean-Luc Mélenchon?

Non. L’extrême-gauche en France est traditionnellement très centralisatrice. Et qui dit la centralisation comme une source d’égalité alors que dans la réalité, cela n’a produit que des inégalités. Il faut qu’il y ait un mouvement qui aille bien au-delà. Parce que le changement de méthode, ce n’est pas un positionnement gauche-droite. Faire confiance aux territoires, c’est pas un positionnement gauche-droite. C’est un problème général qui concerne l’ensemble du pays.

Parlez-nous de l’Appel des mouvements citoyens.

Il y a quelques semaines, j’ai monté spontanément la Maison des citoyens. Pour faire vivre ces valeurs-là. Et on s’est retrouvés avec plus de 200 Maisons des citoyens locales, en France et à l’étranger. Ils organisent des Facebook Live partout pour faire connaître les bons « faiseux ». Il y en a une à Montréal. Elle va nous présenter un très grand nombre d’initiatives québécoises dont on devrait s’inspirer en France. La semaine dernière, on a décidé de compter en 2017. On a fondé un mouvement qui s’appelle Les Citoyens. Depuis que j’en ai parlé ce matin dans les médias français, c’est la folie.

N’avez-vous pas peur de diviser le vote?

Le grand ennemi pour le moment en France, c’est l’abstention. Le peuple est tellement effaré par notre politique qu’élection après élection, on a des taux d’abstention sidérants! Aux dernières élections régionales on a eu 25 millions de Français qui n’ont rien émis comme vote : 58 %. Si vous rajoutez tous ceux qui ont voté contre, vous êtes à 80 %. Compte tenu de l’offre, la démocratie participative ne marche pas. Et ce n’est pas qu’en France. C’est partout! Il faut bien faire autre chose.

Qu’offrez-vous de différent?

15317739_380306165634749_2688634866365835287_n

On n’est pas à droite, on n’est pas à gauche, on est en face. On propose un changement de méthode : de passer par les territoires, les citoyens, par la démocratie citoyenne. Tout à coup, on va pouvoir arrêter de voter contre.

Vous affirmez dans l’Express qu’en France, le citoyen et les territoires n’existent plus dans le débat politique. Mais ce problème n’est-il pas planétaire?

Bien entendu qu’il est planétaire. Il faut que les bienveillants fassent le boulot, retournent la table, changent les systèmes qui sont obsolètes.

Si on n’organise pas une révolte positive de gens bienveillants, altruistes, il n’y aura que des révoltes négatives.

Chez vous plusieurs artistes se sont lancés en politique : Francis Cabrel et Yves Duteil maires, Hugues Aufray l’a été, Coluche s’est engagé à un autre niveau. Comment l’expliquer?

Quand il y a une offre politique complètement à côté de la plaque sur le plan de la méthode – cet héritage du centralisme français, ça fait 400 ans que ça dure – et bien ça marche plus.

L’ensemble de l’offre politique repose sur cette croyance complètement folle que la pensée de quelqu’un à Paris est plus importante que celle de tous à travers le pays.

Cette folie-là, il faut l’arrêter. Je parlais avec des médecins et des infirmières qui sont en grève parce que l’administration a annoncé la fermeture d’un centre de soins palliatifs. On a ordonné de fermer à telle date. Hors, leurs patients ne sont pas morts. Qu’est-ce qu’ils font? Ils les tuent? Les gens se retrouvent devant un fonctionnement administratif totalement fou.

Que pensez-vous du mouvement Nuit Debout et des autres mouvements du genre qui finissent tous par s’essouffler par cynisme ou découragement?

Ce sont des mouvements qui ne reposent pas sur des « faiseux » mais sur des idées. Ils incarnent des couleurs politiques mais s’isolent de la classe politique locale. Nous, nous avons des armées d’associations d’entrepreneurs, de gens capables et on fait vraiment alliance avec les maires. Hier, on a fait un gigantesque Facebook live à Paris. Sont venus des représentants de maires ruraux, des représentants de femmes élues qui sont folles furieuses parce qu’il n’y a aucune égalité hommes-femmes dans nos partis en France. Tous préfèrent payer les pénalités plutôt que de faire de la place aux femmes.

Pourquoi ne pas présenter une « faiseuse »?

Parce que c’est moi qui ai organisé ça et qu’il faut qu’il y ait quelqu’un qui ait accès aux médias et en qui les maires ont confiance.

Vous avez bon espoir d’obtenir les 500 signatures de maires et d’élus locaux nécessaires à votre candidature?

15181347_380769512255081_487819509569621868_n-alex4

On va demander aux citoyens de faire leur part, d’aller parler à leurs maires. Il faut que ce soit une candidature collective, que ce soit une œuvre commune et non pas une aventure personnelle. En gros, il faut qu’on devienne un peuple d’acteurs.

 

 

Il y a longtemps que vous êtes engagé à changer le monde?

Ça fait 17 ans que je construis des programmes sociaux à côté de ma vie d’écrivain.

Vous êtes d’ailleurs venus régulièrement au Québec dans ce cadre.

J’ai fondé une association qui s’appelle Lire et faire lire et ça fonctionne aussi au Québec. L’idée c’est d’embarquer les retraités dans les écoles maternelles et primaires pour transmettre le plaisir de la lecture et vacciner les enfants contre l’échec scolaire. Et ça marche! En France, on a près de 20 000 bénévoles. On s’occupe de 650 000 enfants. C’est une énorme machine. C’est ça la participation citoyenne!

Ce n’est pas la première fois que vous allez vous faire traiter d’utopiste. Vous croyez réussir?

On n’est pas utopistes, on est « faiseux ». On livre. On a des solutions pragmatiques. Lire et faire lire ce n’est pas un délire. On le fait! On a 270 programmes sur Bleu Blanc Zèbre. L’utopie, c’est de croire qu’en changeant des hauts fonctionnaires, ça va changer.