Samedi de mobilisation à Montréal. Au lendemain de l’éviction des Indignés du Square Victoria, le second Sommet Génération d’idées (GEDI) et le premier Forum des Artisans du changement mobilisaient plus de 500 personnes. Pendant ce temps, une assemblée générale du mouvement Occupons Montréal réunissait également une foule considérable au pied de la tour de la Bourse. Ces trois visages du changement social se réclament d’une même volonté de passer des paroles à l’action.

La Place des Peuples (Square Victoria) avait pris un air sinistre en ce samedi matin. Un vent froid sifflait entre les arbres décharnés, qui se tiennent maintenant seuls là où, quelques heures auparavant, le petit village irréductible assiégeait encore la tour de la Bourse. « On est tristes, c’est notre maison qui a été détruite », confie Jeanne Létourneux, étudiante et membre de l’équipe de facilitation pour les assemblées générales. Pas pour longtemps : à midi, une assemblée générale s’y réunit pour planifier la poursuite du mouvement.

Occuper Montréal, sans camper

L’assemblée générale de samedi a décidé que des assemblées de quartier se tiendraient en plusieurs lieux tous les vendredis à 18h et qu’une assemblée générale hebdomadaire rassemblerait le mouvement sur la Place des Peuples le samedi à 12h, tandis que le dimanche serait consacré à la mise en action des décisions prises pendant ces assemblées.

Amir Khadir résume l’enjeu en entrevue vidéo:

Le député et porte-parole de Québec Solidaire, Amir Khadir, rencontré sur place, résume l’enjeu : « Comment peut-on vraiment penser qu’il y a une démocratie quand il y a des millions de gens qui peinent à survivre et une poignée de personnes qui possède des milliards de richesses et qui, non contents d’avoir le pouvoir économique, se sont emparés aussi de nos institutions démocratiques. C’est évident qu’il y a un message uniforme de la place Tahrir à la Place des Peuples, que le temps des dictatures est révolu, qu’elles soient militaires ou financières. »

Mme Létourneux, qui a animé l’assemblée, croit que le mouvement d’occupation donne de l’audace aux organisations qui œuvrent pour le changement social partout sur la planète. « C’est mondial, ça nous donne de l’énergie, on travaille ensemble. »

Les Artisans du changement s’organisent

Pendant ce temps, au pavillon des sciences de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), le premier Forum des Artisans du changement (ne pas confondre avec l’émission du même nom) réunissait 215 participants, soit plus du double des attentes du groupe de cinq organisateurs et de dix bénévoles à l’origine de l’événement. Encore une fois, la mobilisation est sur toutes les lèvres.

« On est un terreau, lance Marie-Françoise Bunod Gentil, co-organisatrice. On propose l’espace et l’information qui peuvent inspirer les gens pour qu’ils se mobilisent dans leur milieu et qu’ils organisent des groupes de transition et des jardins communautaires en permaculture. » Outre ces deux thèmes centraux, les participants ont pu découvrir le leadership collaboratif, les écocommunautés et l’alimentation vivante, autant de sujets généralement peu connus par le grand public.

Marie-Andrée Mathieu, maraîchère du Potager enchanté, est venue d’Amqui en Gaspésie pour participer à ces discussions. « On sait qu’il va y avoir des changements… Comment nous, les humains, pourrons nous adapter pour survivre ? Ici, il y a des pistes, des outils et surtout du réseautage. On trouve dans cette journée la force de retourner chez soi avec une force d’amorcer ou de continuer des gestes concrets de changements positifs dans nos communautés. »

Génération d’actions, la suite

Toujours dans le même quadrilatère, au Palais des congrès, plus de 300 jeunes s’étaient rendus au second sommet Génération d’Idées. C’est à partir des conclusions du premier sommet, tenu à la même date l’an dernier, que les participants étaient invités à élaborer des solutions concrètes pour passer à l’action et s’engager à le faire. « Nous analysons ces questions-là avec nos propres yeux et on adopte des solutions qu’on peut mettre en œuvre nous-même », a témoigné Fimba Tankoano, participant.

D’autres participants ont déploré que les questions à discuter aient déjà été choisies, en fonction des échanges de l’an dernier. « J’ai quitté mon atelier de ce matin parce que c’était trop orienté », dénonce Martin Poirier, militant contre l’exploitation des hydrocarbures. L’atelier Ressources naturelles était régi par la question « Quel modèle pour l’exploitation des hydrocarbures et du minerai : nationalisation ou redevances ? », alors que l’exploitation elle-même ne fait pas l’objet d’un consensus au Québec.

Pour Suzanne Tremblay, mentor, il s’agit surtout d’une occasion d’écouter ce que les jeunes ont à dire. « Je trouve ça très stimulant de voir des jeunes, qu’on croit souvent cyniques et peu engagés, consacrer une fin de semaine pour réfléchir, discuter d’idées, chercher des solutions et les proposer. » Le rôle de mentor consiste à aider les jeunes participants à préciser leurs idées de solutions, en fonction de la réalité et de l’expérience acquise par les mentors dans l’espace public.

C’est à la tête d’une équipe d’une vingtaine de bénévoles que Paul St-Pierre-Plamondon a organisé ce deuxième forum. « On arrive à la limite du bénévolat », confie-t-il, essoufflé. Il faudra sans doute créer une organisation pour porter Génération d’idées vers l’avenir. Questionné sur les événements de la Place des Peuples, le jeune avocat salue le fait que les Indignés sont catalyseurs de changement et souligne que ce qu’ils disent est fondé, tout en précisant que l’approche GEDI n’est pas dans l’indignation. « On n’est pas dans la colère, on est à la recherche des solutions, mais il y a une complémentarité. Il y avait sept millions d’indignés au Québec quand on a appris le scandale de la construction », rappelle celui qui a lancé l’Opération balai devant l’Assemblée nationale.