Le gain de 31-25 des Packers de Green Bay face aux Steelers de Pittsburgh lors du Super Bowl XLV, le championnat de la National Football League (NFL) disputé en février, aura révélé deux victoires d’équipe : une sur le terrain, et une seconde partout au Wisconsin parmi les quelque 112 158 propriétaires de la formation.

Beaucoup de gens l’ignorent, mais les Packers constituent la seule équipe de sport professionnelle en Amérique du Nord qui utilise un système de copropriété, et ce, depuis sa naissance en 1922. À quatre occasions, la formation du Wisconsin a émis des « actions » : 1923, 1935, 1950 et 1997. Les trois premières émissions ont permis de sauver le club de la faillite, la dernière a servi à récolter les 24 M $ nécessaires à la rénovation de leur domicile, le Lambeau Field.

Le système de copropriété des Packers est quelque peu particulier. Les actions ont été vendues au prix de 200$ l’unité. Le prix des actions ne varie pas, les propriétaires ne peuvent les revendre et ils n’en tirent aucun dividende. Personne ne peut posséder plus de 200 000 des 4 750 937 actions, pour éviter la prise de contrôle de l’équipe. Ils ont un droit de vote qui sert uniquement à élire le conseil d’administration de la formation.

Autre particularité : Si jamais l’équipe devait être vendue, ce ne sont pas les copropriétaires qui toucheront les profits de la vente, mais plutôt divers organismes de charité de Green Bay.

Cette forme de propriété, c’est-à-dire sans but lucratif et possédée par une communauté, est interdite par la constitution de la NFL, écrite en 1960, mais les Packers ont conservé leur droit acquis.

The Green Bay Packers Inc. compte actuellement 252 employés et a réalisé des ventes de 258 M$ en 2010, en hausse de 4,1%, et un bénéfice net de 5,2%. Comme il s’agit d’un organisme à but non lucratif, les fonds supplémentaires sont mis de côté dans une fiducie qui servira en cas de difficulté financière.

Ce mode de propriété comporte plusieurs avantages pour les actionnaires, la population de Green Bay (102 313 habitants) et les amateurs.

« Comme les propriétaires ne retirent pas vraiment d’avantages financiers, ils n’ont pas d’intérêt à ce que l’équipe déménage », indique le directeur du département de sciences économiques de l’Université de Montréal, Michel Poitevin.

Le fait que les Packers soient une copropriété « réduit aussi le coût du financement », croit M. Poitevin.

Ce qui rend toutefois possible la survie de ce mode de propriété est le système de partage de revenus mis en place par la NFL, ajoute-t-il.

« Ce n’est pas le fait qu’ils soient une coopérative qui sauve l’équipe, estime Michel Poitevin. C’est le partage des revenus, qui emmène plusieurs dizaines de millions sur la table à chaque année. »

« Bien sûr, ça aide que les gens s’investissent dans l’équipe et se retroussent les manches pour qu’elle demeure à Green Bay », précise-t-il.

Quand M. Poitevin parle de se retrousser les manches, ce n’est pas seulement figuratif. Parce que les gens savent que l’équipe ne déménagera pas, ils s’impliquent. Les kiosques au Lambeau Field sont tenus par des bénévoles et, pendant les tempêtes de neige, ce sont des volontaires qui déneigent les estrades de l’amphithéâtre à ciel ouvert. Même la bière coûte moins cher que dans la moyenne des amphithéâtres de la NFL.

L’autre avantage est celui du sentiment d’appartenance. Les estrades sont pleines à 100% depuis 20 ans, et les Packers auraient une liste d’attente de plus de 86 000 noms pour obtenir des billets de saison. Comme environ 90 billets ne sont pas renouvelés annuellement, une personne pourrait attendre près de 1000 ans. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir des gens léguer, dans leur testament, leur place sur cette liste d’attente, ou encore mettre le nom de leur enfant sur la liste dès leur naissance.

Quant à savoir s’il serait possible d’appliquer ce type de coopérative à un éventuel retour de la Ligue nationale de hockey (LNH) à Québec, Michel Poitevin ne voit pas comment cela serait possible, compte tenu que le partage des revenus est beaucoup moins grand dans la LNH, particulièrement en ce qui a trait aux revenus télévisuels.

« Si le partage de revenus n’est pas suffisant, les coopérants vont-ils vouloir cracher de l’argent à chaque année?, s’interroge-t-il. Je vois mal comment on pourrait aller chercher 400 M$ dans la population de Québec. »

Même les gens des Packers croient que leur situation est singulière.

« Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui, une équipe professionnelle pourrait suivre les traces des Packers, a affirmé Rick Chernick, membre du conseil d’administration de l’équipe, au journaliste du New Yorker, Dave Zirin. Le coût d’une franchise est astronomique, d’où la nécessité d’avoir les poches profondes. La situation des Packers est vraiment unique. »