Le 2 novembre a été proclamé Journée internationale de la fin de l’impunité des crimes contre les journalistes par l’ONU en 2013. L’année précédente, la Directrice générale de l’UNESCO a condamné l’assassinat de 123 journalistes, professionnels des médias et producteurs de médias sociaux d’intérêt public.

Nos pensées vont aux collègues qui travaillent au péril de leur vie, dans des endroits reculés de la planète, pour témoigner du pire.

Comment ne pas saluer leur courage, leur abnégation, leur entêtement à rapporter la nouvelle malgré le danger imminent et les bombes qui sifflent, le désintérêt des politiques et l’impact mitigé de leurs actions, autant de coups d’épée qu’ils portent dans l’eau de la conscience humaine.

De les voir disparaître, abattus par centaines de par le monde, du simple fait qu’ils soient journalistes alors qu’autrefois, cette seule indication leur permettait d’avoir la vie sauve. L’an dernier, ils sont 110 à être tombés au combat. Soldats de la démocratie, de la justice sociale ou environnementale, décédés entre autres au Mozambique, au Pakistan, en Inde ou au Mexique, où on comptait déjà 5 morts en avril 2015.

L’an dernier, deux d’entre eux ont été tués en direct à l’occasion d’une émission matinale sur une chaîne locale américaine basée en Virginie. Partout, ils tombent. C’est la dégradation de nos conditions, où qu’on soit.

Sans vouloir comparer la situation des journalistes occidentaux à ceux qui galèrent dans les conflits en Syrie ou ailleurs en zones de guerre, force est de constater que jour après jour, nos droits s’effritent. Et c’est sans parler du quotidien des salles de nouvelles. De la commercialisation des contenus rédactionnels. De la concentration de la presse. De la disparition des médias à proprement parler.

Piètres démocrates

Le Canada arrive au 18e rang au classement de la liberté de presse de Reporters sans frontières (RSF). Juste après la Namibie. « La liberté de la presse y a beaucoup souffert, tout particulièrement pendant la fin du mandat de l’ancien Premier ministre Stephen Harper », peut-on lire dans une analyse de RSF.

Nos politiciens devraient se sentir honteux d’apprendre que c’est le Costa Rica qui affiche le plus beau bulletin en Amérique. Pourquoi? « Avec une législation très favorable à la presse et une vraie reconnaissance de la profession de journaliste, il est le seul pays d’Amérique centrale à ne pas souffrir de la corruption et des conséquences qu’elle engendre pour l’accès à l’information », explique RSF. Tiens, tiens!

L’art de tarir la source

L’Halloween est finie. Il serait temps de cesser les chasses aux sorcières. Si nous refusons qu’un jour, un de nos collègues soit forcé de se taire à jamais, comme on a tenté de le faire le 13 septembre 2000 avec Michel Auger, ou que de nouveau, des juges permettent des saisies d’ordinateur, comme dans le cas de Michaël Nguyen, faisons en sorte que l’affaire Lagacé et ses 24 mandats de surveillance, pousse nos dirigeants à réaffirmer non seulement le droit aux journalistes de poser des questions embarrassantes, mais à tout individu responsable qui s’inquiète de l’avenir de la société d’en faire autant.

En cours de journée, on apprenait que Patrick Lagacé n’était pas le seul journaliste à être épié des policiers. Plusieurs collègues ont connu le même sort et le stratagème a duré des années.

En septembre 2013, Alain Gravel, signait un blogue fort à propos dans lequel il indiquait que l’ex-président de la FTQ Michel Arseneault avait décidé d’aller au bout de sa démarche pour museler les médias. « Que vont faire les policiers? Vont-ils écouter les conversations des journalistes? Vont-ils fouiller dans nos carnets d’adresses? Dans nos ordinateurs? Dans nos cellulaires? Vont-ils traquer nos sources? » Le journaliste vedette avait vu juste.

À la veille du déclenchement d’une enquête publique à ce sujet, on se gargarise avec les termes « liberté de la presse » et « indépendance des pouvoirs ». Mais ne faisons pas l’erreur de pointer un seul coupable. S’il s’agit d’abus de pouvoir, aux yeux d’Yves Boisvert, de La Presse, « ça va beaucoup plus loin que ça », l’écrivait avec justesse Steve Fortin dans un billet publié au lendemain de l’affaire. « Si on tente d’élargir le débat à des fins partisanes, cette enquête peut devenir un cirque », prévient Gilbert Lavoie dans Le Soleil.  La démocratie connaît des heures bien sombres.