Nous sommes à l’ère où les compagnies briguent les richesses québécoises. Tout le sous-sol est occupé et convoité par des entreprises minières. Tout? Non. Un village peuplé d’irréductibles de Saint-Camille, un canton d’Estrie, résiste encore et toujours à l’envahisseur.

En février dernier, les propriétaires terriens se sont ligués afin d’empêcher la compagnie aurifère Bowmore Exploration d’explorer une partie du territoire en vue d’y exploiter une mine d’or à ciel ouvert. Soixante-dix lettres citoyennes adressées au président Paul A. Dumas ont poussé la minière à convoquer une rencontre à Saint-Camille le 9 février dernier. Ces lettres, indiquant que les citoyens « connaissaient leurs droits durant la phase d’exploration interdisant l’accès à leurs propriétés par la compagnie », ont fait reculer la mine, affirme Nicolas Soumis, porte-parole du comité Mine de rien.

Qualité de vie et coopération

« À Saint-Camille, on a bâti notre communauté sur la qualité de vie, sur la qualité de nos paysages. Il y a cette habitude de rencontres intergénérationnelles au quotidien. Cela facilite les choses en matière de mobilisation. Nous l’avons constaté lors de l’entrée en scène du projet aurifère, rappelle le maire du village, Benoit Bourassa. Depuis les 25 dernières années, il y a une culture du développement local qui s’est créée. » La mise en place du P’tit bonheur, une coopérative culturelle et communautaire, a notamment permis l’existence d’un lieu de rencontre où sont présentés spectacles professionnels, expositions et activités communautaires.

Ce canton de l’Estrie met en avant-plan l’importance de la solidarité au sein d’une communauté. Les 450 habitants de Saint-Camille, bien qu’entourés par les grandes villes de Montréal et Sherbrooke et cernés par les entreprises aurifères, se serrent les coudent par l’entremise de leur conseil municipal et du comité Mine de rien, un comité constitué de bénévoles demandant l’amélioration de la Loi sur les mines. Pour Nicolas Soumis, la réaction de la population provient essentiellement de principes et de valeurs partagées et non de règles établies. « La majorité s’entend à dire que le développement minier comporte des impacts environnementaux à long terme non négligeables et qu’il ne cadre pas avec les visées de développement de la municipalité. »

Refonte de la loi sur les mines

Hier, un nouveau projet de loi sur les mines a été déposé par le gouvernement Charest. Sans réellement restituer la propriété de leur territoire aux communautés, ce projet de loi donne au ministre plus de pouvoir sur les projets d’exploitation minière. Nicolas Soumis martèle : « nous estimons que toute entité a le droit de juger de ce qui est bon pour son développement durable. Or, la Loi sur les mines ne permet pas cela, enlevant presque tous les droits aux municipalités devant les compagnies minières ». La population et le comité restent avec l’impression que leur mobilisation et leurs pressions ont poussé les instances gouvernementales à se mettre en marche. Le Parti Québécois appuie aussi l’initiative citoyenne du comité de demander des changements à la loi.

Si Saint-Camille a fait poids dans la balance contre l’exploitation d’une mine, le maire Bourassa croit qu’une modification de la Loi sur les mines est surtout due à la revendication générale des québécois surtout en ce qui a trait au gaz de schiste. « Il y a toute une démarche beaucoup plus large que les événements liés à Saint-Camille qui fait en sorte que le gouvernement aura besoin d’une nouvelle loi. Le village n’est qu’une goutte d’eau, mais pour remplir un verre toutes les gouttes sont primordiales, il s’agit d’un ensemble. »

L’exploration se poursuit

Bowmore Exploration et son président Paul A. Dumas avaient promis, à l’issue de la rencontre avec les citoyens de Saint-Camille et Wotton, de respecter la volonté de la population de ne pas accueillir sur ses terres la compagnie. Les forages n’ont pas moins débuté fin avril. Pour l’instant, les projets sur la table se limitent à trois sites d’exploration (Wotton, Wotton NW et Gérard), où les propriétaires ont donné leur accord.

M. Dumas soutient « qu’il y a très peu de chances qu’une mine voit le jour », mais il confirme aussi son intention de poursuivre les activités d’exploration chez les propriétaires ayant accepté la présence de la compagnie, des propos retenus lors de la réunion du 9 février. Dans cette même veine, Nicolas Soumis précise que « l’opposition au développement minier ne fait probablement pas l’unanimité à Saint-Camille, mais rejoint toutefois une majorité de ses citoyens ».

« Ce qui se passe à Malartic nous confirme le bien fondé de nos actions »
Nicolas Soumis, porte-parole du comité Mine de rien

Les Estriens souhaitent que les opérations soient menées selon les règles de l’art. Selon M. Soumis, « la compagnie renonçait à toute activité dans un rayon de 8 km du cœur du village de Saint-Camille. Actuellement, les travaux de forage se déroulent à moins de 3 km du cœur du village ». Quant à elle, la compagnie affirme vouloir informer la population sur les avancées. Des réunions sont au programme.

L’association de Bowmore et d’Osisko donnant 40 % des parts à cette dernière ne rassure pas la population. Cette dernière corporation exploite divers gisements en Abitibi, dont la médiatisée mine à ciel ouvert de Malartic, où les citadins seraient assis sur 9 millions d’onces d’or. Une fosse de 1 350 000 mètres carrés de superficie et 380 mètres de profondeur y est planifiée. Deux cent cinq maisons et cinq institutions y ont été déménagées. Bien que le projet soit moins imposant en Estrie, le porte-parole de Mine de rien soutient que « ce qui se passe à Malartic nous confirme le bien fondé de nos actions ». En sol québécois, Bowmore détient des droits miniers abitibiens et appalachiens. Elle possède des claims s’étendant à 690 000 000 mètres carrés, dont le secteur de Saint-Camille et de Wotton.

Vigilants, les citoyens de Saint-Camille s’approprient et défendent leur territoire à juste prix.