Quand on observe l’état du monde, il y a de quoi se désoler. Et il y a de quoi s’inquiéter pour nos enfants quand on regarde ce train capitaliste sauvage dévaler à toute vitesse, sans songer aux conséquences de ses gestes sur l’environnement, sur la société ou sur l’écosystème. Mais heureusement, le monde n’est pas une masse noire dépourvue d’espoir. Sur cette même planète, il y a des millions de gens interpellés par l’avenir, par un juste partage des ressources et par la démocratie. Il y a la coopération et les coopérants, ces ambassadeurs d’une justice sociale dont on ne saurait se passer dans aucun des pays du globe. Ils sont des porteurs de changement là où sévit la pauvreté, là où sévit l’ignorance.

Le Québec ne le sait pas assez; nous sommes une société qui s’est construite sur la coopération. Exclus des pouvoirs économiques et financiers, les Québécois ont rêvé, se sont réunis et ont fondé de grandes coopératives capables de réaliser des projets sur une base juste et équitable, capables de redonner à nos communautés.

Et dans tout ça, nous avons su innover et nous avons donné une couleur bien québécoise à la coopération. D’autres peuples s’inspirent aujourd’hui de notre expérience pour conceptualiser le coopératisme dans leur pays. Notre réglementation et notre cadre législatif sont étudiés en Corée, à Cuba, en France, aux États-Unis.

Il nous revient de prendre le relais et de prendre soin de nos coopératives; elles sont d’excellents outils pour façonner nos communautés et pour leur redonner un visage plus humain, empreint d’entraide et de solidarité. Car dans le froid rigide des mathématiques et des calculs financiers, il est possible d’injecter plein d’humanité, avec tout ce qu’elle comporte d’espoir et de lumière.

Pourquoi insister tant sur la beauté de la coopération? Le 21e siècle, tel qu’on le perçoit dans nos médias, ne s’annonce pas générateur d’optimisme. Il y a les défis écologiques, l’intégrisme religieux, l’extrême pauvreté et l’inertie ambiante et profondément désespérante que nous subissons et que nous incarnons simultanément.

Mais plutôt que d’observer les catastrophes se réaliser, le coopérant réfléchit et agit. Il est un porteur de changements. Il ne plaide jamais l’impuissance; il réclame de l’action.

Par exemple, dans un Québec où les médias appartiennent de plus en plus aux mêmes propriétaires, un journal est né afin de couvrir les enjeux liés à l’économie sociale. Et ce journal réunit des journalistes de différents horizons, collectivement propriétaires de leur média. Ce journal a choisi de se constituer et de poser ses actions sous la forme juridique coopérative. Je me sens privilégié de pouvoir publier dans les pages du journal Ensemble.

En ces pages, c’est donc avec un regard de juriste que je poserai mes yeux critiques sur les enjeux coopératifs et sur les acteurs de ce mouvement. Seront explorés les défis, les projets, les réussites et les échecs en économie sociale.

Maintenant, le militant que je suis a un oeil teinté d'expériences diversifiées en coopération. J'ai grandi en coopérative d'habitation et j'ai l'intime honneur d'en présider le CA aujourd'hui; je suis actif au CA de la Coopérative de développement régional Outaouais-Laurentides, en plus d'être membre de plusieurs autres initiatives coops, de petites ou de grandes envergures. Tout de même, ce sont toujours de grandes aventures.

Collaborer à un journal, c’est souhaiter ardemment participer aux  réflexions et aux débats dans notre société. C’est ce mandat que j’entends remplir via le journal Ensemble.

Parce que le coopérateur que je veux être doit agir. Et que pour agir, il y a cette nécessaire étape préalable: réfléchir.  

Me Raphaël Déry, Avocat & Conseiller juridique de Coopératives