Il a fait sensation lors de son témoignage à la Commission Charbonneau. Bernard «Rambo» Gauthier a fait l’objet d’une biographie publiée cet automne aux Éditions Trois-Pistoles. Victor-Lévy Beaulieu y raconte la protection des chantiers et des travailleurs de la Côte-Nord par le bouillant syndicaliste de la construction, au prix de quelques règles contournées et d’actions musclées. Protéger les régions? Face à l’austérité, aux centaines de mises à pied dans les régions dont le gouvernement démantèle sans discernement les structures de développement et de services, quelle sera votre résistance? Comment protégerez-vous votre communauté? Où est votre Rambo?

Je ne vous dirai pas grand chose du livre*. Disons seulement qu'on y découvre sous la plume épique de Victor-Lévy Beaulieu un Rambo empreint de justice sociale, et qui ne s'embarrasse pas de détails pour la défendre. Un de ceux qui, comme en son temps Michel Chartrand, iront jusqu'à défier la loi si celle-ci est injuste.

Le gouvernement a choisi son camp

Injuste, comme le sont les politiques d'austérité actuelles. Le gouvernement a choisi son camp: pour les intérêts privés, multinationaux, pour les riches, pour les «paradis» fiscaux, pour les fossoyeurs du climat, pour les épuiseurs de ressources naturelles, pour les destructeurs de l'environnement, bref pour l'argent.

Oui, le gouvernement a choisi son camp: contre les populations des régions, contre l'éducation des enfants, contre l'émancipation des femmes, contre le développement et l'autonomie locales, contre l'expertise en économie sociale, contre les Premières Nations, contre les agriculteurs et les agricultrices, contre la santé, contre l'éducation, bref contre le peuple.

Le gouvernement coupe tout ce qui limite ou remet en question son pouvoir, tout ce qui s'adresse au peuple, aux êtres humains. De l'autre main, il donne notre argent aux compagnies (dans le Nord autant que possible), il donne aux riches.

Le gouvernement se désengage de sa mission envers la population et concentre le pouvoir entre ses mains, tout en matraquant les manifestants. Je dis le gouvernement au singulier pour simplifier. Mais bien entendu, ici au Québec, des gouvernement prédateurs, nous en avons deux.

Le gouvernement veut diviser

Le gouvernement coupe des emplois, des centaines d'emplois qualifiés dans les régions. Toutes les personnes qui étaient en charge de créer du développement, d'amener des jeunes à s'établir dans les régions, de protéger celles-ci: CLD, CRÉ, CJE… (une liste a été dressée à Rimouski, reproduite ci-après). Il crée des centaines de chômeurs compétents, qui ont à cœur leur région, leur communauté.

Le gouvernement crée une crise, divise les gens: ceux qui perdent leur emploi et ceux qui ont peur de le perdre. Et si nous résistons à la division, puisque nous la savons arbitraire et préméditée? Cette «déclaration de guerre» adressée au peuple par le gouvernement, n'est-ce pas plutôt une invitation à s'organiser? Ce saccage organisé n'est-il pas même une invitation à désobéir?

Que faire? Opération Dignité 2015

En démantelant les régions, le gouvernement a créé un immense groupe de personnes libres, qualifiées, qui peuvent consacrer leur temps à développer une alternative. Que ceux et celles qui ont encore leur emploi étirent leur créativité au maximum pour aider ceux qui l'ont perdu. Que ceux qui l'ont perdu utilisent leur période de chômage pour travailler à bâtir une nouvelle représentation régionale démocratique, plus démocratique que ce gouvernement qui ne nous représente plus.

Un mouvement s'est levé avec la campagne «Touche pas à mes régions». Ce mouvement peut et doit devenir un contre-pouvoir, et même une alternative. Il lui faudra une structure solide et démocratique. La coopérative est considérée comme la structure démocratique la plus souple, la plus simple et la plus solide qui soit, si elle est bien construite. Pourquoi ne pas la mettre au service du pouvoir populaire?

Coop de représentation populaire

En tant que coopératiste jamais à court d'idées, je vous ai même imaginé un nouveau type de coopérative pour construire et pour financer cette nouvelle représentation populaire. Elle permet même de créer un contre-pouvoir plus légitime que le pouvoir existant. Je l'ai appelé «Coopérative de représentation populaire». Pour le mode d'emploi, c'est téléchargeable ici:

Ce n'est pas la première fois qu'on menace de fermer les régions. Dans les années 1970, les populations se sont mobilisées en masse, ont occupé des églises, y ont séquestré des représentants gouvernementaux, pour sauver leur village. Ces Opérations Dignité ont été menées par des hommes et des femmes courageux, comme le regretté Gilles Roy. Il est temps de leur faire honneur en poursuivant leur combat.

Où est votre Rambo?

Géants que nous sommes, explorateurs de continent aux ancêtres amérindiens et européens, d'un sang mêlé plus fort que l'inconnu, serons-nous ce peuple trop souvent décrit comme de petits moutons passifs par les puissants de notre Histoire, prêtres, colonisateurs ou patrons, afin de nous tenir «tranquilles», même pendant une «révolution» alors que notre nombre et notre jeunesse les faisaient trembler derrière leur masque?

Le chantier est immense: reconstruction de nos solidarités, décentralisation des pouvoirs, création d'une économie locale équitable et soutenable, transition énergétique. Tous ces espoirs sont liés par le même grand mur contre lequel ils se frappent sans cesse: le détournement de notre démocratie.

Notre gouvernement est un train de la mort qui a décroché ses wagons de passagers pour foncer encore plus vite dans la mauvaise direction. Il est notre devoir, même s'il faut pour cela contourner quelques règles, de résister, et de saisir l'occasion pour nous rassembler et construire l'avenir.

Voir la liste des impacts des politiques d'austérité à Rimouski, Par Marie-Neige Besner

* Étant aussi partiellement à l'emploi des Éditions Trois-Pistoles, commenter le livre me placerait en conflit d'intérêts selon notre éthique journalistique, qui exige par ailleurs que cette situation soit ici et ainsi déclarée.