À l’attention de Philippe Couillard, premier ministre du Québec sous le parti libéral du Québec

Mon nom est Martin Zibeau. Né au Québec en 1968, je suis père de deux enfants de 5 et 7 ans, j’habite la circonscription de Bonaventure en Gaspésie.

L’objet de cette lettre est de vous signifier explicitement mon désaccord avec la décision du gouvernement de soutenir à la hauteur d’un milliard de dollars la compagnie Bombardier. J’en profite pour faire de même, avant que vous n’y arriviez, au sujet de l’éventuelle privatisation de la SAQ et d’Hydro-Québec.

Pour être clair, ce n’est pas seulement un désaccord théorique que j’aimerais exprimer, mais c’est qu’en tant que citoyen du Québec, je ne vous permets pas, ne vous donne pas mon accord pour effectuer cette transaction avec Bombardier, ni non plus pour explorer les possibilités de privatisations mentionnées plus haut.

Bien sûr, même si cette lettre se rendait jusqu’à vous, je n’imagine pas que vous en teniez compte. Au moment où je vous écris ces mots, 1/3 des 4000 organismes communautaires du Québec n’ouvriront pas leurs portes aujourd’hui et demain [NDLR: les 2 et 3 novembre] parce qu’ils ne se sentent pas écoutés par vous. Vous comprendrez que je n’ai pas beaucoup d’espoir d’avoir votre attention. Et ce n’est peut-être pas tant par vous que je souhaite être entendu au final, en tout cas pas seulement.

Pour que mon désaccord soit bien ancré dans une réalité que vous pourriez comprendre, j’ai cherché un moyen de ne pas participer financièrement à votre «projet de société». Mes moyens ne me permettant pas d’accéder aux paradis fiscaux, je me suis réfugié sous le seuil de la pauvreté. Je vous indique donc que je ne paierai pas d’impôt cette année. Pas par le biais d’une quelconque désobéissance civile, mais tout légalement (peut-être inspiré par vos pratiques) en faisant une «retenue à la source». Je ne paierai pas d’impôt cette année parce que j’ai décidé consciemment de ne pas faire assez d’argent pour avoir à contribuer financièrement à votre agenda partisan. Mon seul luxe sera de savoir que je ne vous donnerai pas un seul dollar à redonner à vos amis. Je n’encourage évidemment personne à faire de même, mais si d’autres citoyens et citoyennes se sentaient inspirées par des façons de se réapproprier un pouvoir qu’une minorité seulement d’entre nous vous avons consenti, ce sera toujours ça.

Vous avez peut-être aussi entendu parler du «demi». Les médias Time, Maclean’s, France info, Radio Canada et Radio X, entre autres, en ont glissé un mot dernièrement, si le sujet vous intéresse. C’est une autre façon proposée et légale de reprendre en tant que citoyen et citoyenne, un peu de pouvoir (en tout cas aussi légale, et probablement plus éthique, qu’investir aux Îles Jersey). Si chaque citoyen et citoyenne devenait sa propre banque, auraient-ils droit à un peu plus de respect de votre part?

Je vous partage ces quelques actions parmi d’autres sur lesquelles j’investis mon temps parce que je crois important de vous rappeler et de NOUS rappeler, qu’au final, vous auriez dû être élu pour être le représentant de la population. Que même si le système archaïque et désuet qui vous a permis de «prendre» le pouvoir ne nous permet pas de vous destituer légalement, il existe quand même des moyens légaux et pacifiques, pour les gens qui le désirent vraiment, de s’organiser avant que vous ne nous ayez complètement désorganisés.

Vous aurez peut-être remarqué que je ne vous invite pas à revoir vos positions. Vos positions sont claires et vous nous avez déjà démontré depuis le début de votre mandat que vous n’avez pas l’intention de fléchir et que si vos babines nourries par votre pléthore de «spin doctors» se font aller à intervalles savamment calculés, vos bottines de luxe sont rarement au rendez-vous, à moins que ce ne soit un rendez-vous partisan.

Dans la mesure de mes moyens, je m’investirai donc dans le développement de ma communauté en lui donnant mon temps. Et si je n’ai aucun moyen de vous empêcher de piger à votre convenance dans les coffres du Trésor québécois, je vous assure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour légalement ne pas y contribuer tout en m’investissant concrètement au quotidien à l’amélioration de la qualité de vie de ma famille et des gens qui nous entourent.

Vous détenez certainement, pour le moment, les cordons d’une bourse collective importante. Mais vous n’avez que très peu de contrôle sur les canaux qui ont rempli cette bourse qui, à mon avis, n’est plus entre bonnes mains, ni sur ceux qui dictent son utilisation. Vous n’avez jamais eu ma confiance sur la saine gestion de nos ressources collectives, mais je ne vous l’avais pas encore signifié officiellement. Je le fais maintenant. Par cette lettre, je vous signifie clairement et ouvertement mon intention de ne pas me mettre à genoux devant votre arrogance face à la dignité des gens qui travaillent, qui ont travaillé et qui travailleront pour l’intérêt de l’ensemble de la population du Québec.

Sincèrement,

Martin Zibeau