En Gaspésie, une biologiste du Réseau d’observation de mammifères marins suit de près le dossier de l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent. Il s’agit de Stéphanie-Carole Pieddesaux, qui détient une maîtrise en écologie comportementale. Depuis 2006, elle travaille de près avec les cétacés de la péninsule gaspésienne et s’inquiète de leur sort si un projet de plateforme pétrolière comme Old Harry devait voir le jour dans le secteur.

Mme Pieddesaux a assisté aux consultations publiques qui se sont déroulées en Gaspésie concernant l’étude environnementale stratégique 2 (ÉES2) réalisée par la firme GENIVAR. L’objectif était de récolter les perceptions de la population et des groupes concernés sur les aspects environnementaux et culturels de l’exploitation des hydrocarbures afin de produire le rapport d’étude final. Au stade actuel, l’étude présente de nombreuses lacunes, dont un manque de connaissances sur les impacts potentiels. Stéphanie-Carole Pieddesaux répond à quelques questions, en lien avec sa spécialité, pour tenter d’y voir plus clair.

Sonia Giroux, Journal Ensemble: Quels sont les principaux impacts pour les mammifères marins ?

S.-C. P.: La pollution sonore engendrée par les canons à air lors des levés sismiques peut générer des pertes auditives temporaires ou permanentes. Puisque les mammifères marins s’orientent grâce à leur ouïe, la perte d’audition peut entre autres entraîner des échouages mortels. Le bruit peut également conduire à la désertion d’habitat et causer des troubles au niveau de la reproduction et de l’alimentation. Le trafic maritime étant plus important, les risques de collision augmentent. Pour certaines populations en voie de disparition comme la baleine noire de l’Atlantique Nord, de tels impacts pourraient avoir de graves conséquences sur la survie des espèces.

S. G.: Quelles sont les conséquences sur les autres espèces marines ?

S.-C. P.: Outre les mammifères marins, la faune marine est sensible aux émissions sonores de forte intensité. Par exemple, les larves de poissons peuvent être détruites et des lésions telles que l’exorbitation des yeux peuvent apparaître chez les adultes. Toutes les espèces présentes sont susceptibles d’être contaminées par les hydrocarbures et ce, non seulement lors d’un déversement accidentel, mais aussi lors des opérations routinières. Même en petite quantité, les hydrocarbures peuvent avoir des impacts à long terme en affectant le système endocrinien et, par conséquent, les capacités de reproduction. Le Saint-Laurent est un milieu dynamique et non statique. Que ce soit par le biais du réseau trophique ou par la dynamique des courants et des populations, toutes les espèces sont liées et circulent sur de grandes distances. Le fait de ne pas tenir compte des connectivités entre les espèces et les écosystèmes est une lacune majeure actuelle de l’ÉES2.

S. G.: Sommes-nous à l’abri d’un déversement de pétrole ?

S.-C. P.: Dans la majorité des cas, les accidents pétroliers sont dus à des erreurs humaines. Personne n’est à l’abri d’une mauvaise décision, surtout dans un monde où la pression monétaire est importante. Les catastrophes pétrolières sont difficiles à gérer, particulièrement en eaux froides ou en présence de glaces, d’autant plus que la vitesse de dégradation des hydrocarbures est plus lente.

S. G.: Un dossier à suivre de près…

S.-C. P.: Il reste encore beaucoup de connaissances à acquérir avant de décider de la levée, ou non, du moratoire concernant l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent. En tant que citoyen, scientifique ou utilisateur du milieu, vous avez jusqu’au 16 janvier 2012 pour transmettre vos commentaires sur le rapport préliminaire (www.ees.gouv.qc.ca/publications.asp) au www.surveymonkey.com/s/EES2. L’implication de tous est primordiale.

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Pour en savoir plus – Références :
Marine mammals and noise WJ Richardson 1995, Elsevier academic Press, San Diego, CA, USA, 576p.
Marine mammals and the Exxon Valdez, TR Loughlin, 1994, academic Press, San Diego, CA, USA, 395p.