Il y a 35 ans cette année, l’Assemblée générale des Nations unies décrétait à l’unanimité l’établissement d’une Journée internationale de la paix. Dès 1982, ses États membres ont été invités à faire du 21 septembre une journée de non-violence et de cessez-le-feu. Au Québec, cette approche semble faire le tour du calendrier.

En 2006, le journaliste Antoine Robitaille avait lancé le débat dans Le Devoir : les Québécois ont-ils le pacifisme dans les gènes? Aujourd’hui encore, cette interrogation mérite réflexion.

Selon l’éditeur et écrivain prolifique Serge Mongeau, à l’origine du collectif Pour un pays sans armée, nos ancêtres ont depuis toujours privilégié les solutions pacifistes. L’exemple le plus patent est celui de la conscription. Pour l’ex-officier d’état-major et indépendantiste René-Marcel Sauvé, la question militaire est taboue. Relents de catholicisme des années 60? Chose certaine, malgré quelques soubresauts, plusieurs exemples tendent à démontrer que cet esprit pacifiste est bel et bien ancré dans nos moeurs.

Adeptes du compromis

C’est au Québec que la notion de justice réparatrice a pris son envol à la fin des années 70. Selon Serge Charbonneau, directeur du Regroupement des organismes de justice alternative du Québec (ROJAQ), il s’agirait d’une approche inspirée de la culture autochtone.

En 2005, la médiation judiciaire affichait un taux de succès de 75 %, que ce soit en Cour supérieure ou en Cour d’appel. D’après la juge Louise Otis, ce système, où justice traditionnelle et règlement à l’amiable cohabitent, était alors unique au monde.

En matière de criminalité, le Québec se distingue année après année en Amérique du Nord. En 2014, le tiers des régions métropolitaines canadiennes enregistraient des hausses dans le domaine. Alors que Saskatoon et Thunder Bay souffraient d’une augmentation de 10 % de leur taux de criminalité par rapport à 2013, Montréal affichait sa plus forte baisse (9 %).

La non-violence comme arme

Au tournant des années 80, une pléiade de personnalités québécoises dont Margie Gillis, Yvon Deschamps, Judi Richards et Gilles Vigneault, lançait le collectif Les artistes pour la Paix. Très actif sur la scène publique, ce regroupement trentenaire s’est manifesté le 21 septembre dernier lors une conférence de presse devant les bureaux du Premier ministre Trudeau pour traiter de la situation kurde.

En cette Journée internationale de la Paix, le Collectif échec à la guerre signait pour sa part une lettre ouverte dans Le Devoir afin de rappeler à quel point il est illusoire de promouvoir la paix sans s’opposer du même coup, aux missions offensives menées au sein de l’OTAN. L’organisme soulignait entre autres que les dépenses militaires ont atteint 1676 milliards de dollars l’an dernier alors qu’au même moment, les opérations destinées à maintenir la paix bénéficiaient d’un maigre 8 milliards de dollars de budget. Ces jours-ci, le Collectif relance sa campagne du coquelicot blanc contre la guerre et le militarisme. La population est invitée à l’arborer fièrement jusqu’au 11 novembre, Jour du Souvenir, pour saluer la mémoire des nombreuses victimes des conflits armés dans le monde. Depuis la guerre froide, de 80 à 90 % des personnes touchées seraient des civiles.

On se souviendra qu’en février 2003, l’organisme pacifiste avait réussi un coup d’éclat lors d’une manifestation monstre organisée contre la guerre en Irak. À cette occasion, plus de 150 000 personnes s’étaient réunies sous un froid polaire au centre-ville de Montréal alors qu’ils étaient 2000 à Ottawa. Quatre ans plus tard, les Québécois s’opposaient massivement contre le déploiement de forces militaires canadiennes en Afghanistan. Le projet de prolongation de la mission proposé ultérieurement a été tout aussi impopulaire chez nous. Plus de 70 % des personnes sondées s’étaient montrées défavorables.

Révolution intérieure en cours

Il s’en trouvera pour dire que c’est par lâcheté que les Québécois refusent de se battre. Il n’empêche qu’ils sont de plus en plus nombreux à opter pour la méditation, le yoga, le tai chi et compagnie, autant d’approches corps-esprit qui permettent de vivre en paix et de « respirer par le nez ». Le phénomène n’est pas unique au Québec mais c’est un terreau fertile. Le premier centre de yoga Sivananda établi à l’extérieur de l’Inde s’est installé en 1959 sur le Boulevard St-Laurent à Montréal. La maison-mère, érigée trois ans plus tard au cœur des Laurentides, attire plusieurs milliers de personnes chaque année. Plus de 20 000 pèlerins y affluent lors du Kâvadi, pèlerinage annuel en hommage au dieu hindou Murugan.

La méditation Vipassana, introduite à Montréal en 1979, a connu un essor constant au fil des ans si bien qu’en 2011, la fondation du même nom s’installait à Montebello dans le but de tripler son nombre d’élèves. Il s’agirait, toute proportion gardée, du troisième centre en importance au monde, en termes d’achalandage.

Autre particularité, la Fédération francophone de yoga, ambassade officielle du World Wide Council of Yoga pour les pays francophones, a établi son siège social il y a plus de 30 ans à… Sherbrooke! Récemment, le Nunavut a demandé à ce qu’on y dépêche un enseignant.

Des impôts pour la paix

À l’ouest de la rivière des Outaouais, cet appel à la non-violence est l’essence même de Conscience Canada qui, depuis 1978, prône le droit à tous les citoyens du pays de s’abstenir de payer l’impôt militaire, en vertu du droit à la liberté de conscience garanti dans la Charte canadienne des droits et libertés.

Ces jours-ci, le film À la poursuite de la paix, du réalisateur Gary Beitel fait le tour des salles, grâce entre autres à Panache cinéma. Le documentaire à caractère social relate l’histoire des Canadiens oeuvrant sur les lignes de front internationales de médiation pour la paix. L’oeuvre sera sera à l’affiche des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, qui au lieu de 10 au 20 novembre au cinéma Ex-Centris de Montréal. La paix comme point de jonction entre les deux solitudes?