Trois-Pistoles — Le transport des personnes en région est-il un commerce ou un service essentiel? La compagnie Orléans Express (devenue une filiale de Keolis) a réduit la fréquence de ses trajets d’autobus en région depuis quelques mois. Il est devenu impossible pour une personne de se rendre à un rendez-vous dans la ville voisine autrement qu’en auto ou en taxi. C’est la logique d’affaires qui a dicté ces changements, dit-on. En tout cas, ce n’est pas un changement guidé par le besoin des populations rurales.

Ce matin, j’ai franchi une nouvelle étape dans cette aventure Avec pas d’char. J’ai pris un billet pour la ville voisine, Rivière-du-Loup. Le seul service disponible, Orléans Express, devenue filiale de Keolis, me propose quarante minutes de route aller et autant au retour, pour trente piastres. Entre l’arrivée à 9h et le retour à 15h45, six grosses heures. Espérons que ce soit suffisant pour ce rendez-vous médical et son attente inévitable, s’y ajoutant le transport entre l’hôpital et l’autobus.

Je suis chanceux: en Gaspésie, il n’y a même plus d’aller-retour la même journée. Les gens doivent prendre un hôtel. Quand je cherche Gaspé – Sainte-Anne-des-Monts, on me propose de partir à 7h15, d’arriver à 10h25, puis de repartir à 8h30 et d’arriver à 11h35 du matin… la même date. Un petit voyage dans le temps avec ça?

Pardonnez ce moment d’humeur et les écarts de langage qui vont avec, mais il y a de quoi se fâcher quand je constate qu’on a non seulement démantelé notre réseau ferroviaire régional pour en faire de jolies pistes cyclables et autres sentiers de randonnée, mais qu’en plus on réduit à une peau de chagrin le service d’autobus, à des tarifs élevés qui vont tout droit dans les poches d’investisseurs privés et étrangers.

Keolis est une entreprise privée détenue à 70% par la Société nationale des chemins de fer (SNCF) française et à 30% par la Caisse de dépôt et de placement du Québec. En 2002, le propriétaire d’Orléans Express, Sylvain Langis, a vendu 75% de ses parts à Keolis, puis le reste en 2011.

Le transporteur exerce au Québec un quasi-monopole. Ce qui reste dans plusieurs régions l’unique service de transport collectif est livré pieds et poings liés aux lois du marché, et les profits s’envolent ensuite pour l’Europe.

Face à l’épuisement des ressources pétrolières, à l’effondrement des écosystèmes, à la crise socio-économique, il faudra bien développer des alternatives au transport individuel. Dans presque tous les autres pays du monde, le transport des personnes est principalement collectif. Vers quoi se tournera-t-on alors?

Irons-nous encore vers le privé, ou choisirons-nous de nous donner collectivement des moyens de transport modernes, dont l’objet est de répondre aux besoins des populations plutôt que d’exporter des profits? L’un de ces projets est le monorail à grande vitesse, qui pourrait devenir un grand projet de société public et même coopératif. Aurons-nous enfin de l’audace?