Le quartier Parc-Extension, à Montréal, est reconnu comme étant le plus multiethnique de la métropole, et aussi le plus pauvre. On y retrouve ainsi une densité de population beaucoup plus forte que dans les autres quartiers montréalais, dont 80% n’a ni le français ni l’anglais comme langue maternelle. C’est pourtant dans ce quartier souvent laissé pour compte que le Café Artère a ouvert ses portes en se donnant pour mission de vivifier la vie culturelle de « Parc-Ex », notamment en offrant une scène aux artistes de la relève.

Quiconque a jamais mis les pied dans cette enclave du nord-est de la ville n’a pu qu’être frappé par le caractère bigarré de l’environnement qui se laisse à voir en sortant de la station de métro Parc : immeubles déglingués et parfois désaffectés (souvent d’anciens ateliers de couture ou renaissent parfois maintenant des ateliers d’artistes), grandes chaînes (les fameux Tim Horton’s, MacDonald’s et Loblaws) et petits commerces à l’image de la diversité du quartier. Celle-ci n’a d’ailleurs pas nécessairement toujours bonne presse et suscite souvent des préjugés négatifs.

Animer la vie culturelle de Parc-Extension

Pour Estelle Tison, membre fondatrice de la coopérative, il s’agit non pas seulement d’un défi à relever, mais aussi d’une occasion à saisir : « Notre but, c’est de créer une appartenance au quartier, que les gens se sentent chez eux et que Parc-Extension devienne un endroit où il fait bon vivre. C’est pour ça qu’on essaie d’inviter toutes sortes de gens à venir chez nous, mais c’est certain que ce n’est pas du jour au lendemain que les gens vont venir se jeter à notre porte. C’est aussi par l’art et la culture qu’on essaie de briser les barrières et de passer par-dessus les différences. C’est sûr que Parc-Extension est un quartier vraiment enclavé et qui fait face à plusieurs défis sociaux, mais il y a aussi un bouillonnement et c’est là-dessus qu’on veut miser. »

En attendant que la population du quartier s’approprie véritablement le lieu, bon nombre de jeunes artistes et d’intervenants de toutes sortes se servent déjà de l’espace du café, qui comporte un grande scène, comme lieu de diffusion. Le calendrier en ligne fait d’ailleurs rapidement comprendre que le Café Artère répond à un besoin de diffusion de la relève qui était manifestement pressant.

L’ancrage communautaire

Une autre façon pour le Café Artère de s’ancrer dans ce quartier bien particulier de Parc-Extension passe par les groupes communautaires en place qui mènent un travail sur le terrain auprès de la population.

Voilà d’ailleurs comment s’est tissé un partenariat avec le projet Techno-Écolo, piloté par trois organismes du quartier : Vrac Environnement, Communautique et Héberjeunes. Ce projet d’économie sociale et de sensibilisation environnementale vise la revalorisation du matériel informatique usagé ainsi que la formation de jeunes dans une optique de réinsertion sociale.

Or, les responsables de Techno-Écolo cherchaient depuis un certain temps un lieu qui pourrait leur servir de boutique de matériel informatique recyclé. Lorsque le Café Artère a ouvert ses portes, un partenariat s’est rapidement installé et s’est concrétisé par un présentoir situé à l’entrée du café et qui deviendra bientôt une boutique en bonne et due forme. « Ça bénéficie aux deux parties : leur clientèle va venir au café et notre clientèle va connaître leurs activités », de résumer Estelle Tison.

Le modèle coopératif

Pour les fondateurs du Café Artère, le modèle de la coopérative s’imposait justement pour qu’un véritable ancrage dans la communauté soit possible pour leur projet, qu’ils souhaitaient le plus démocratique et vivant possible.

« On a choisi d’être une coopérative de solidarité pour que tout le monde ait son mot à dire. On trouve que la gestion horizontale c’est vraiment un modèle intéressant, c’est le modèle de l’avenir pour nous. Avec la coopérative, et particulièrement le modèle de la coopérative de solidarité, il y a des membres-travailleurs, mais aussi des membres du milieu qui ont leur mot à dire sur le fonctionnement du café et qui se sentent appartenir au projet. C’est sûr que c’est beaucoup plus de travail, il faut instaurer toute une mécanique pour le fonctionnement, mais une fois que ça roule, c’est génial. »

Si beaucoup de travail reste encore à faire au Café Artère pour que la population bigarrée de Parc-Extension s’approprie le lieu, son ancrage auprès de la relève artistique et de la vie communautaire du quartier sont manifestes. Comme son nom l’indique, le Café Artère se veut un lieu de partage, de rencontre et d’échange, et ce pari est déjà gagné.