Il est temps de mettre sur papier tout ce que vous avez en tête à propos de votre projet. Et ça, personne ne peut le faire à votre place. Les professionnels de la Coopérative de développement régional (CDR) pourront vous fournir des modèles et vous donner leur avis sur votre planification, mais c’est à vous de faire l’essentiel du travail. Voici tout de même, dans le cadre de notre série Comment démarrer une coopérative?, quelques perspectives qui sont propres aux coops et qui peuvent vous aider à aborder cette tâche d’un œil averti.

Voilà, vous avez votre modèle fourni par la CDR ou tout autre organisme d’aide au développement entrepreneurial de votre localité. Tout ce que vous avez longuement muri, il suffit de le trier et d’en placer chaque facette dans la bonne section, sachant que toutes les sections ne s’appliquent pas nécessairement à votre projet. Sans aller ici dans le détail, ces sections couvriront autant les opérations que la structure coopérative et les ressources humaines, ainsi que les assurances, normes, associations et lois à respecter, puis les inévitables prévisions budgétaires.

Cibler le besoin

Un élément central du plan d’affaires est l’étude de marché. Cette section sert souvent, pour les entreprises capitalistes, à expliquer comment on va «créer le besoin», et définir un marché cible à «conquérir». Dans le cas d’une coopérative, l’étude de marché est plutôt la définition d’un besoin existant. Il faut révéler ce besoin, lui permettre de s’exprimer. C’est là que la dimension démocratique de la coop prend sa racine.

Ce besoin, vous l’avez déjà identifié. Il faut maintenant le définir. Combien de personnes le vivent, à quelle fréquence, avec quelle acuité? La définition du besoin par l’étude de marché, c’est aussi ce qui va guider l’établissement de la tarification. Ici, l’entreprise capitaliste essaiera de déterminer «jusqu’à combien la clientèle ciblée est prête à payer». La coopérative, elle, tentera plutôt d’identifier le «juste prix» permettant de rémunérer efficacement le travail tout en favorisant l’accès au produit par le plus grand nombre de personnes.

L’adhésion du milieu

Une coop, c’est un projet collectif, qui s’intègre lui-même dans une collectivité. Si l’implantation d’une entreprise capitaliste est déterminée par la compétition, c’est plutôt la complémentarité qui est le fondement de l’intégration d’une coopérative au marché. Si la coop du village voisin répond au besoin, le but est atteint et il n’est nul besoin de l’absorber pour faire une plus grande coop. On s’en inspirera plutôt pour répondre au besoin de ce village-ci, et alors on tissera des liens de partenariat entre les deux coops.

Aussi, le plan d’affaires d’une coop doit-il faire la démonstration de l’adhésion du milieu dans lequel s’implantera la nouvelle entreprise. Une démarche de concertation autour du projet permettra d’ajouter en annexe des lettres d’appui d’organismes ou de personnes reconnus dans le secteur d’activité, ainsi que des lettres d’intention de partenariat d’autres coopératives qui œuvrent dans le même secteur ou dans des secteurs complémentaires.

Dans un prochain article, vous découvrirez aussi un outil permettant de révéler l’appui et l’engagement d’une large population à votre projet.

Équité pour les fondateurs

Démarrer une entreprise, c’est investir beaucoup de temps et d’énergie pendant cinq ans, au moins. Les fondateurs de coopératives ne font pas exception à cette règle et se donneront tout entiers pendant des années à leur projet. Pourtant, ils auront ni plus ni moins que les mêmes droits démocratiques que les membres qui adhéreront à la coop après que cette étape difficile ait été complétée. C’est le paradoxe soulevé par Bruno Blais, fondateur de la célèbre brasserie coop La Barberie, lors du forum coopératif de Québec au printemps 2012.

Si vous souhaitez prévoir plus d’équité entre les fondateurs et les futurs membres de votre coop, c’est à l’étape du plan d’affaires qu’il faut y penser.

À la Coopérative de journalisme indépendant, nous avons tenté d’inventer un système permettant de rétablir une équité pour les fondateurs, en utilisant les parts privilégiées, et nous l’avons inscrit dans le règlement de régie interne. Selon ce principe, tout le travail fait pour démarrer la coopérative est facturé par les membres, mais pendant la phase de démarrage, la partie des honoraires qui ne peut être versée en argent est souscrite par les membres en parts privilégiées du même montant dans la coopérative. Cela veut dire qu’ils détiennent un actif dans la coopérative qui sera remboursable au plus tôt trois ans après, et à la condition que les finances de la coopérative le permettent (article 38 de la loi). Cela permet de reconnaître leur investissement et de leur rendre à long terme, même s’ils ont quitté la coopérative.

Ce n’est pas un système parfait, car dans une coopérative à but non lucratif les parts privilégiées ne portent pas intérêt. D’autre part, il est difficile de quantifier tous les efforts investis, et nous devons reconnaître que ce qui a été souscrit en parts privilégiées n’en représente qu’une petite partie. En effet, ces valeurs restent taxables et imposables, et lorsqu’il s’est agi de gros montants, les membres n’ont pas voulu payer des impôts sur des sommes qu’ils ne toucheront pas tout de suite, tandis que la trésorerie de la coopérative ne pouvait se permettre d’assumer même les taxes sur ces montants. Enfin, notre secteur d’activité génère si peu de revenus que nous n’avons pas encore pu commencer à rembourser les parts (vous pouvez nous aider en contribuant!).

Malgré ces inconvénients, nous pensons qu’il faut étudier cette avenue et qu’éventuellement la Loi des coopératives pourrait prévoir un système d’équité semblable dans l’avenir.

À bientôt!

Depuis la fondation du journal Ensemble, avec la publication de centaines d’articles spécialisés sur les coopératives et d’un livre sur l’Année internationale des coopératives en 2012, de nombreux groupes ont sollicité notre équipe pour avoir des conseils et de l’information en vue du démarrage de leur propre coop. Nous publions dans cette série d’articles un résumé des étapes que nous recommandons. Ces articles seront mis à jour à l’occasion.