Une idée géniale et de belles valeurs, est-ce tout ce qu’il vous faut pour démarrer une entreprise coopérative? Il suffit ensuite de choisir un marché prometteur où implanter l’entreprise, de convaincre les gens que c’est une idée géniale, puis de trouver quelques personnes pour former le CA et enfin d’aller chercher du financement… STOP! Non, ça ne fonctionne pas ainsi. Une coop, c’est une démocratie. Ça commence par un besoin collectif exprimé par des personnes de la communauté. Ensuite, on peut réunir ces personnes et établir un plan pour répondre à ce besoin. Dans le cadre de notre série Comment démarrer une coopérative?, quelques conseils pour démarrer du bon pied, au pluriel!

L’économie capitaliste dans laquelle nous vivons nous a habitué à penser qu’on démarre une entreprise pour faire de l’argent, pour la faire prospérer et ensuite la revendre à un bon prix. Qu’on soit un actionnaire qui surfe sur les titres de Google et de Monsanto, ou un honnête propriétaire dont l’entreprise est le seul fond de retraite, la finalité reste le profit. Mais pour la coopérative, le but est tout autre: c’est de répondre à un besoin.

Votre besoin est-il un besoin primaire? C’est un bon départ. Les besoins primaires sont ceux qui créent les liens d’usage les plus solides dans une coop. Se nourrir, se loger, travailler, avoir accès à l’eau potable… quel est le besoin? Souvent, c’est un besoin auquel ni l’entreprise privée ni l’État ne répondent dans votre région. Pénurie de médecins? Créez une coop de santé. Aucun investisseur privé n’est intéressé à racheter l’épicerie ou le dépanneur du coin? Formez une coop de services de proximité. Le propriétaire de votre shop prend sa retraite et n’a pas de relève? Proposez à vos collègues de sauver vos emplois en mettant sur pied une coop de travailleurs ou une CTA.

Si votre point de départ est une idée géniale, innovatrice, cherchez le besoin qui est derrière cette idée et les personnes qui partagent ce besoin. C’est ainsi que sont nés les espaces de travail partagé: un travailleur autonome s’est dit que «ça serait donc plus cool d’aller travailler dans un endroit agréable tous les matins avec des collègues plutôt que tout seul dans mon demi sous-sol». D’autres pigistes avaient le même besoin. Ils se sont regroupés en coop et des Ecto, des Créagora et des Noburo sont nés un peu partout.

Les personnes qui partagent le besoin: voici le groupe. Ce sont les personnes qui ont un fort intérêt à ce que la coop soit créée et qu’elle fonctionne. Ce sont les citoyens de la coop. On les appelle les membres. Si la coop regroupe plusieurs catégories de membres qui ont des besoins et intérêts différents, il faut identifier parmi ceux-ci celui qui est le plus important, mais nous y reviendrons dans le deuxième article.

Parce que pour tout projet, le facteur individuel est très important, il faut bien choisir les premiers membres. Ils seront les racines de la coop. Il faut qu’ils soient capables de relever des défis ensemble. C’est peut-être là que la coop ressemble le plus à toute autre entreprise: il faut que l’équipe de base soit prête à aller à la guerre ensemble (j’exagère à peine), prête à encaisser les coups les plus durs, prête à partager les sacrifices qui sont le lot de tout entrepreneur. Bref, il faut que cette équipe de base soit plus solide… qu’un couple!

Ces personnes, on les réunit pour bien comprendre le besoin, dans un contexte cordial (un apéro, un bon repas ou une journée de plein air, parce qu’il faut tout de même que ce soit agréable!). Si le besoin justifie qu’on crée un projet d’entreprise pour y répondre, on forme un comité provisoire et on fait appel à des ressources spécialisées pour accompagner la démarche. Dans toutes les régions du Québec et en Acadie, il existe des Coopératives de développement régional (CDR). Elles sont la porte d’entrée pour tout projet de coop. Pour quelques centaines de dollars, elles vous accompagneront efficacement jusqu’aux premières années d’opération de l’entreprise, et resteront toujours à vos côtés ensuite.

La première chose que la CDR vous aidera à produire, c’est un plan d’affaires. Ce plan ne sera crédible et efficace que s’il est fondé sur un besoin réel et porté par un groupe motivé. Dans un prochain article, nous verrons quelles sont les principales erreurs à éviter dans la construction de votre démocratie coopérative.

À bientôt!

Depuis la fondation du journal Ensemble, avec la publication de centaines d’articles spécialisés sur les coopératives et d’un livre sur l’Année internationale des coopératives en 2012, de nombreux groupes ont sollicité notre équipe pour avoir des conseils et de l’information en vue du démarrage de leur propre coop. Nous publions dans cette série d’articles un résumé des étapes que nous recommandons. Ces articles seront mis à jour à l’occasion.