Les Sioux Lakotas ont gagné la première manche : le permis de forage pour l’oléoduc Dakota Access Line a été retiré par les ingénieurs de l’armée américaine. Mais après?

 

Depuis des mois, les Lakotas, en opposition à ce pipeline, étaient installés par milliers à Standing Rock dans un grand campement sur leurs terres ancestrales du Dakota du nord. Cet oléoduc controversé menaçait le fleuve Missouri, « Mnisose » la grande rivière tourbillonnante, source d’eau que les Premières Nations partagent avec des millions d’Américains.

 

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Le pipeline devait passer sous le lac Oahe et sous le fleuve, pour éviter Bismarck, la capitale de l’État.

 

 

David Archambault II, représentant la nation Sioux, affirmait : « Nous exigeons d’être entendus et nous continuerons de nous tenir debout ensemble pour notre nation et pour tous ceux qui vivent avec et à proximité du fleuve Missouri. »

L’Assemblée des Premières nations du Québec leur a manifesté un appui solide. Le 16 novembre dernier, la communauté mohawk de Kahnawake n’a pas hésité à bloquer le train de banlieue de Candiac pour réveiller l’opinion publique. Jean-Charles Piétacho, grand chef de la communauté innu d’Ékuanitshit, à Mingan, s’est déjà rendu plusieurs fois à Standing Rock par solidarité avec « les défenseurs de l’eau ». Il était sur place au moment historique.

Des vétérans pacifistes de l’armée américaine ont convergé vers les lieux de la résistance pour protéger les manifestants d’un recours éventuel des autorités à la violence. Des citoyens de partout, y compris du Québec, ont envoyé victuailles, vêtements et équipement de survie au campement pour l’hiver et les gens continuent d’affluer.

 

standing-rock-clergeExtraordinaire par son ampleur, ce mouvement de solidarité, a forcé les pétrolières à reculer.

C’est bien la première fois que les Sioux Lakotas sont vraiment entendus…

Une histoire dans le sang

Tout a commencé en effet dans le sang et les larmes. Au 19e siècle. La recherche de nouvelles terres agricoles et la ruée vers l’or de Californie et du Dakota ont provoqué, sous l’initiative des présidents américains successifs Andrew Jackson et Martin Van Buren, la colonisation effrénée de l’Ouest américain. Cette « conquête de l’Ouest » s’est déroulée essentiellement sur le dos des Premières Nations. Les Sioux Lakotas ont été des acteurs importants de résistance à cet envahissement. Le traité de Fort Laramie de 1868 concéda quelques territoires aux Sioux, tout en établissant dans les faits les premières réserves.

De violation en violation, ce traité ne fut jamais respecté. Ce qui mena les Sioux et les Cheyennes à la bataille de Little Big Horn en 1876. Les Premières Nations, sous la direction des grands chefs Sioux Sitting Bull et Crazy Horse, infligèrent à cette occasion une cuisante défaite à l’armée américaine et le général Custer y trouva la mort.

Quatorze ans plus tard, en décembre 1890, à Wounded Knee, sur leurs terres sacrées, des centaines de Sioux désarmés qui résistaient à l’exode furent massacrés par le 7e régiment de cavalerie des États-Unis.

 

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Les « guerres indiennes » de cette époque honteuse font l’objet de l’incontournable livre de Dee Brown écrit en 1971 : « Enterre mon cœur à Wounded Knee, une histoire américaine (1860-1890) ».

 

En 1875, Sitting Bull, décrivait en ces termes les colons blancs :

 

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« L’amour de posséder est chez eux une maladie. Ces gens-là ont établi beaucoup de règles que les riches peuvent briser mais non les pauvres. Ils prélèvent des taxes sur les pauvres et les faibles pour entretenir les riches qui gouvernent. Ils revendiquent notre mère à tous, la terre, pour leur propre usage et se barricadent contre leurs voisins; ils la défigurent avec leurs constructions et leurs ordures. Cette nation est pareille à un torrent de neige fondue qui détruit tout sur son passage. Nous ne pouvons vivre côte à côte. »

Parions que la société civile et les Premières Nations du Canada, inspirées par le courage et la persistance des Sioux de Standing Rock, feront mentir le grand chef et reculer les pétrolières canadiennes, leur avidité aveugle et leurs projets d’un autre siècle.