Le 16 décembre prochain, à Rimouski, se tiendra la dernière rencontre d’une tournée de consultation publique portant sur « l’information d’intérêt public dans les médias québécois ». Christine St-Pierre, ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, a lancé cette consultation à la fin août pour donner suite au mémoire de la commission présidée par Dominique Payette, sur « l’avenir de l’information au Québec dans le contexte des changements technologiques ». Le rapport de Mme Payette, intitulé L’information au Québec : un intérêt public, a été rendu public le 26 janvier 2011.

Le débat public est donc ouvert sur le rôle de la presse et sur les façons de lui permettre de l’exercer. Car la presse se transforme, et partout dans le monde les entreprises de presse sont à la recherche de nouveaux modèles. Au cœur du défi, le financement de ce secteur vital à toute démocratie.

La presse en crise d’adolescence

La diversification des sources de financement (ventes, abonnements et publicité), l’utilisation du support papier unique et l’existence d’une large classe moyenne sont des conditions qui ont permis à la presse indépendante d’exister pendant le XXe siècle. La tendance est maintenant inverse : avec la convergence des entreprises de presse, de publicité, d’impression et de distribution, la part des revenus publicitaires s’est accrue jusqu’à représenter l’essentiel des revenus, notamment dans la presse régionale. Cette unique source ne suffit plus, et le fractionnement des plateformes la rend volatile. Cette évolution, en réduisant la diversité des sources de financement, réduit aussi considérablement l’indépendance de la presse.

Même Le Devoir, au slogan « quotidien indépendant par excellence », est attaché à Quebecor par une entente d’impression et de distribution qui en fait probablement le principal fournisseur de l’entreprise. Que se passera-t-il si le quotidien de la rue de Bleury titre un jour à boulets rouges sur le projet d’amphithéâtre de Québec ? Quelle couverture réservera-t-il à la campagne électorale du favori de l’empire financier ?

L’information, poumon de la démocratie

Comme le soulignait récemment le Courrier international dans un dossier étoffé paru le 29 septembre, « l’information constitue un cas à part. Il s’agit certes d’une activité commerciale, mais elle occupe une place essentielle dans la démocratie. Le journalisme d’investigation a toujours été financé par d’autres activités. Il est donc de l’intérêt de la société dans son ensemble de trouver un nouveau modèle capable d’assurer la viabilité économique du journalisme. » (Traduction d’un article de The Economist, paru le 9 juillet.)

L’information est une institution démocratique essentielle à la bonne santé de l’État. Cet État ne l’apprécie pas toujours, car le rôle de la presse est souvent de donner aux citoyens un droit de regard sur ce que leurs élus font du pouvoir qu’ils leur ont confié. Un peu comme une dose quotidienne de remède infect, c’est ce qui garde l’État en santé malgré lui. Comment s’attendre à ce que l’État lui octroie un soutien, alors que les finances publiques se resserrent d’année en année ?

La grande majorité des citoyens ne percevra pas la différence entre l’information indépendante et les communications de masse qui lui sont diffusées à bas prix ou gratuitement. Demander au lecteur de payer plus qu’un minimum pour une information indépendante risque donc rapidement d’affecter son accès à l’information. Il sera difficile de solliciter un financement accru de la part des lecteurs, bien qu’il faille le faire pour distinguer, justement, l’information indépendante de la communication de masse.

Remettre l’économie au service de l’information

L’information est aussi essentielle à une société que la culture, les musées, le sport, qui bénéficient du soutien de l’État. Risquons une comparaison choc : c’est un secteur aussi important que celui des multinationales qui bénéficient de millions en subventions pour maintenir des emplois quelques années avant de délocaliser leurs activités vers d’autres pays.

Pour retrouver une indépendance de la presse, il faut créer un soutien financier systématique, lié au droit fondamental à l’information, et basé sur des paramètres objectifs (notamment liés à l’indépendance de la structure de propriété) qui libèrent le contenu de toute attache au financement. C’est à l’État qu’il revient de mettre un tel soutien en place. Pour le soustraire aux intérêts partisans et conjoncturels, ce soutien financier devra être enchâssé dans une loi fondamentale (constitution).

Mais l’État dira, avec raison, que les finances publiques sont déjà au plus mal. Aucun problème : ce financement proviendra d’une taxe spéciale appliquée à la publicité. Ce faisant, nous ramenons une source de revenu importante aux producteurs de contenu qui font vivre les diffuseurs. C’est un marché inélastique et lucratif qui ne souffrira pas d’une telle taxe. Ainsi, cette publicité, qui menaçait la liberté de presse, en deviendra la solution.