À l’occasion du Forum sur l’entrepreneuriat collectif en Abitibi-Témiscamingue, premier d’une série de forums régionaux prévus dans le cadre de l’Année internationale des coopératives (2012), le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, a publié une première édition régionale dont le dossier central porte sur quelques enjeux discutés lors de ce forum, le 1er novembre 2011. Voici le troisième des trois articles de ce dossier.

Bien qu’elles représentent un havre de paix pour leurs habitants, les municipalités rurales font parfois face à des enjeux bien concrets qui peuvent mettre leur avenir en péril. L’exode des jeunes, la délocalisation des entreprises et le vieillissement de la population sont autant de facteurs pouvant engendrer une certaine dévitalisation économique. Lorsque son coin de pays se voit déserté par sa population, que les entreprises doivent fermer leurs portes faute d’être rentables, comment réussir à maintenir une qualité de vie suffisante pour ne pas devoir quitter à son tour ? Partout au Québec, des regroupements de citoyens, des municipalités et des coopératives locales ont usé d’imagination afin de se réapproprier leur territoire. Les coopératives de services de proximité et les circuits courts sont au nombre de ces initiatives de développement solidaire des communautés.

Coopératives de services de proximité

Qui dit dévitalisation économique dit également fermeture ou délocalisation des entreprises, entraînant dans ce sillage les derniers services de proximité des petites municipalités. Dans certains milieux, les gens se voient contraints de parcourir un nombre toujours croissant de kilomètres pour avoir accès à des services de santé, une station d’essence ou simplement, un marché d’alimentation. Cette situation engendre une dépréciation indéniable de la qualité de vie et il ne subsiste alors que deux options : changer considérablement ses habitudes de vie ou prendre en charge, collectivement, la réponse à ses besoins.

De nombreuses communautés ont opté pour la deuxième formule et se sont tournées vers le modèle coopératif. Une étude menée en 2005 par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité a permis de dénombrer une cinquantaine de coopératives de services de proximité sur le territoire québécois, dont 12 situées dans la région de Chaudière-Appalaches. 42 d’entre elles se retrouvaient alors dans des municipalités comptant moins de 2500 habitants.

Les services les plus souvent offerts par ces coopératives consistent essentiellement en une offre de produits d’alimentation, de quincaillerie et de station-service. Ce modèle semble suffisamment répondre aux besoins des communautés, si bien que l’on assiste à la création de nouvelles coopératives de solidarité offrant de tels services de proximité.

La raison d’être des coopératives est de répondre à des besoins précis et d’offrir des services conséquents. Cette finalité entraîne une philosophie d’entreprise toute particulière. Alors que les entreprises privées cherchent d’abord et avant tout à accroître leur rentabilité, les coopératives visent plutôt à développer des activités qui leur permettront d’être viables à long terme pour répondre à un besoin. Elles doivent pouvoir compter sur le concours des gens du milieu et adapter leurs activités en conséquence des besoins exprimés. « Dans ce sens-là, chaque communauté peut avoir des modèles construits différemment », remarque Marie-Joëlle Brassard, directrice de la recherche et du développement au CQCM.

Circuits courts

Les circuits courts représentent une autre alternative permettant de redynamiser l’économie locale. C’est une des raisons pour lesquelles le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec lançait, en 2009, le programme
Diversification et commercialisation en circuit court en région. Celui-ci visait à contribuer au développement de circuits de distribution faisant intervenir au plus un intermédiaire entre le producteur et le consommateur.

L’une des formes que prennent les circuits courts est connue sous le nom d’associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) en France et de plus en plus répandue au Québec sous le nom d’agriculture soutenue par la communauté (ASC). Cette approche permet l’association directe entre agriculteurs et consommateurs. « Les paniers, souvent bio, satisfont le besoin de qualité des seconds, dont l’engagement assure les revenus nécessaires aux premiers », explique Jean-François Draperi, auteur du livre L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ?.

Fait notable, les impacts positifs d’initiatives locales de circuits courts ne se limitent pas aux acteurs qui y sont directement impliqués. Le Marché Locavore, mis sur pied par la Coopérative de solidarité agroalimentaire de Racine, en Estrie, engendre des retombées économiques considérables dans sa municipalité. « Il y a des entreprises locales, comme la boucherie, qui ont vu leurs ventes augmenter de façon importante en raison de l’achalandage lié au marché », commente Andréanne Demers, coordonnatrice à la production et aux ventes. En plus d’offrir à ses membres consommateurs des produits frais bien de chez nous et un lieu de distribution pour les producteurs locaux, la coopérative contribue donc également à donner un nouveau souffle aux petites entreprises environnantes.

Les coopératives de services de proximité et les circuits courts témoignent de l’innovation dont peuvent faire preuve des citoyens soucieux de conserver leur qualité de vie. Malgré la montée fulgurante de la mondialisation et l’essoufflement économique de certaines petites municipalités, on constate qu’il demeure possible de tirer son épingle du jeu si l’on fait preuve de solidarité. Habiter leur milieu, voilà le défi qu’ont entrepris de relever de nombreuses communautés.