À l’occasion du Forum sur l’entrepreneuriat collectif en Abitibi-Témiscamingue, premier d’une série de forums régionaux prévus dans le cadre de l’Année internationale des coopératives (2012), le journal Ensemble, presse coopérative et indépendante, a publié une première édition régionale dont le dossier central porte sur quelques enjeux discutés lors de ce forum, le 1er novembre 2011. Voici le second des trois articles de ce dossier.

Pourquoi démocratiser l’économie? Selon Felice Scalvini, vice-président de l’Alliance coopérative internationale, les sociétés qui s’en tirent le mieux en situation de crise sont celles où l’on retrouve une plus grande diversité de modèles d’entreprises différents, soit privées, publiques et collectives. La présence plus soutenue et la création d’entreprises à propriété collective dans l’économie contribuent à cette diversification de l’économie. Parler de « démocratisation de l’économie » signifie donc à la fois le renforcement d’entreprises sous contrôle démocratique au cœur du système économique et la participation dans l’entreprise.

Vu l’état actuel de la démocratie parlementaire, on pourrait se questionner sur la pertinence de remettre la gouvernance de nos moteurs économiques entre les mains d’un groupe d’élus. À une échelle nationale, les individus n’ont pas l’impression que leur implication a véritablement le pouvoir de modifier la donne au niveau des enjeux sociétaux. Toutefois, dans le cadre de la gestion des organisations qui touchent à la vie quotidienne, la contribution de chacun prend une ampleur et un sens nouveaux. Mario Tardif, directeur général de la Coopérative de développement régional (CDR) Abitibi-Témiscamingue, confirme que dans « les entreprises coopératives, l’individu doit adhérer volontairement. Il doit donc avoir un intérêt à y participer et une volonté de s’impliquer ».

La relève d’entreprises

Le lieu de travail constitue un endroit clé où chacun aimerait pouvoir contribuer à la hauteur de ses capacités de façon démocratique. La structure pyramidale instaurée par les corporations relègue souvent l’employé au niveau de simple exécutant. Les coopératives de travail fournissent aux travailleurs une façon de s’intégrer à la gestion de leur entreprise.

C’est exactement ce qui s’est passé chez Temlam, maintenant LVL Global, où l’usine a été en partie rachetée par une coopérative de travailleurs actionnaires (CTA). Jean-Guy Côté, directeur général avant et après le rachat de l’entreprise, affirme que « c’est sûr qu’au niveau des employés, je les sens beaucoup plus impliqués, plus motivés, on dirait, parce que ça devient leur compagnie. L’objectif, aussi, c’est que la CTA devienne majoritaire dans un horizon de 5 à 10 ans ». Pour plus d’informations, voir l’article de Pascale Charlebois à ce sujet.

Le contrôle des ressources naturelles

La nationalisation de l’hydroélectricité est une forme de démocratisation de l’économie. Dans ce cas, c’est la sphère publique qui a repris le contrôle de ses ressources, avec pour effet d’en faire bénéficier le peuple québécois pendant de nombreuses années.

La région de l’Abitibi-Témiscamingue regorge de ressources naturelles, autant minières que forestières. Elle a bénéficié de la présence de plusieurs coopératives de travail afin de maintenir un certain contrôle démocratique sur l’exploitation de la forêt. À l’inverse, les compagnies minières entrainent de belles retombées économiques dans la région, mais ce sont elles qui ont le contrôle du sous-sol québécois. Si plusieurs pays d’Amérique latine ont nationalisé leurs mines, peut-on concevoir au Québec une autre forme de démocratisation ? Les travailleurs pourraient par exemple s’inspirer de la mine d’or coopérative Cotapa en Bolivie ou Bella Rica en Équateur.

Accélérer la démocratisation

Louis Favreau, professeur associé au département de travail social et sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais, affirme que le mouvement coopératif se retrouve désavantagé dans un rapport de force avec le privé, ce dernier disposant de beaucoup plus de moyens de pression. Il cite comme exemple de la filière éolienne, où le privé contrôle 98 % du marché malgré les tentatives qu’il juge timides des mouvements coopératif et associatif de faire leur place.

Comment faire pour catalyser le développement d’une économie démocratique ? Marie-Joëlle Brassard, directrice de la recherche et du développement au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, croit que c’est en amenant le débat à l’avant-scène et en confrontant les idées que la démocratisation pourra prendre son élan. Le Forum coopératif qui se tiendra le 1er novembre prochain à Rouyn-Noranda sera une belle opportunité d’alimenter la réflexion.