Partis de Rimouski à pied pour demander un moratoire de vingt ans sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste au Québec, des citoyens des quatre coins de la province sont arrivés ce samedi 18 juin à Montréal, dans le cadre d’une marche organisée par la campagne Moratoire d’une génération. Pour souligner leur arrivée, une grande manifestation a été organisée par une coalition d’organisations et de citoyens.

Réunis par centaines, c’est d’abord sous les yeux ébahis du public que les marcheurs ont envahi la station de métro Longueuil pour faire entendre leur message. Ils ont ensuite emprunté le pont Jacques-Cartier et dévoilé une immense bannière qui s’étendait sur la presque totalité du pont. Après 666 km de marche dans 33 municipalités du Québec, c’est à Montréal qu’ils sont venus chercher leurs derniers appuis.

Témoignages citoyens

Et des appuis, ils en ont eu : klaxons et cris de support se sont fait entendre tout au long du parcours. De quoi faire taire le Ministre de l’environnement, Pierre Arcand qui affirmait encore récemment que les opposants aux gaz de schiste « représentaient une minorité ».

Venue de Saint-Louis-sur-le-Richelieu, Odette Larin, voisine d’un puits, est venue avec ses enfants témoigner de l’expérience qu’elle vit depuis 2007. Depuis 4 ans elle subit « vapeurs nocives, irritations respiratoires, explosions en pleine nuit et trafic lourd sur des voies résidentielles ». Loin de l’avenir qu’elle dit vouloir léguer à ses enfants, elle affirme avoir deux choix : la fuite ou l’affrontement.

Les représentants de Talisman Energy, l’une des principales compagnies gazières détenant des droits d’exploration sur la vallée du Saint-Laurent, n’ont pas répondu à nos questions.

Arrivée triomphale

Pour couronner leur périple, une immense foule de plus de 10 000 personnes attendait les marcheurs à leur arrivée devant les bureaux d’Hydro-Québec. Politiciens, artistes et groupes environnementaux ont alors joint la marche, dont Pauline Marois, Amir Khadir, Armand Vaillancourt et Gérald Larose.

Tous ensemble, ils ont alors marché vers le bureau du premier ministre du Québec pour lui signifier leur mécontentement. Ils ont marché pour obtenir un moratoire de 20 ans sur l’exploitation des énergies fossiles au Québec mais aussi pour réveiller les citoyens et ainsi reprendre la gouverne d’une société sur des enjeux environnementaux qui la concernent plus que jamais.
Pablo Lugo Herrera, citoyen de Joliette qui a fait la grève de la fin pendant près de 40 jours en février et mars dernier pour demander un moratoire sur les gaz de schiste et une enquête sur l’industrie de la construction, est au rendez-vous : « je marche parce que notre démocratie est en péril ».

Philippe Duhamel, organisateur de la Marche pour un moratoire d’une génération – Entrevue intégrale et exclusive

Le gouvernement contesté

Ce sont des gens visiblement inquiets du virage que le gouvernement semble vouloir faire prendre au Québec que nous avons rencontrés. « Après avoir fait miroiter que le la province serait un chef de file en matière d’énergies renouvelables et qu’elle atteindrait les objectifs du protocole de Kyoto, le gouvernement Libéral est allé appuyer l’exploitation des gaz de schiste, une énergie qu’on dit aussi sale que le charbon », confie Philippe Duhamel, organisateur de la marche pour un Moratoire d’une génération.

Les marcheurs reprochent entre autres à cette exploitation de libérer du méthane, un gaz 17 fois plus puissant que le gaz carbonique quant à son effet de serre. Ils dénoncent aussi l’intention du gouvernement de se lancer dans l’exploitation du pétrole dans le Saint-Laurent et même de relancer le dossier du nucléaire.

Au centre des débats se trouvait aussi le comité d’évaluation environnemental stratégique (ÉES). Plus tôt cette semaine, le Gouvernement du Québec a défendu son comité, dont la légitimité est contestée parce qu’il est majoritairement composé de gens de l’industrie, plutôt que de groupes environnementaux ou citoyens. Michael Binnion, grand patron de Questerre, a laissé entendre que les travaux du comité seraient une opération plus politique que stratégique, une interprétation que les organisateurs de Moratoire d’une génération n’ont pas tardé à reprendre.

Ensemble pour changer les choses

Ce périple illustre la persévérance, le dévouement et le désir de changer les choses. S’il est impossible de prédire quelle tangente prendront les dirigeants du Québec face au développement énergétique de la province et aux débats qu’il soulève, une chose se dégage de cette longue marche, c’est que les citoyens ont bien l’intention de prendre part au processus démocratique qui dictera leur avenir et surtout au façonnement de l’environnement dans lequel ils veulent vivre.