Le 11 avril dernier, la Marche Action Climat, qui a réuni 25 000 citoyens devant l’Assemblée nationale à Québec, a lancé un message clair aux premiers ministres canadiens: dire oui au climat signifie dire non aux sables bitumineux. Le lendemain, le Forum Action Climat réunissait les principaux acteurs de la société civile autour de cette question. Au-delà de l’entrée de l’Ontario sur le marché du carbone, le ralliement des forces syndicales, autochtones et environnementales pourrait marquer un tournant dans la lutte à venir.

«En Colombie britannique, c’est principalement grâce aux Premières Nations si le projet d’oléoduc Northern Gateway a été abandonné», explique Christian Simard, directeur général de Nature Québec, qui a participé à l’organisation de l’événement. Bien que la participation des Premières Nations au mouvement de lutte contre les changements climatiques n’est pas nouvelle, leur collaboration avec les groupes environnementaux québécois s’est développée principalement en 2012. Le mouvement Idle No More et le Jour de la Terre avaient convergés «l’espace d’une marche d’une ampleur inégalée.»

La Marche Action Climat a réuni une large coalition de groupes de la société civile et des Premières Nations.
Photo: David-Maxime Samson

Premières nations en ligne de front

Melissa Mollen-Dupuis, qui a été la porte-parole québécoise du mouvement Idle no more, admet avoir été surprise par l’ampleur de la délégation qui a ouvert cette marche. «Si j’en juge uniquement par la force du son des tambours, je dirais que c’est une des fois où nous avons été le plus nombreux, raconte-t-elle. Et c’est très significatif, parce que le tambour représente pour nous le cœur, alors c’était comme une masse de cœurs qui battaient à l’unisson.»

Pour la jeune femme originaire de Mingan sur la Côte-Nord, l’alliance avec les Québécois dans la lutte pour l’environnement lui a apparu possible seulement récemment. En 2013, elle participait à la Healing Walk à Fort McMurray lorsqu’elle a appris la tragédie de Lac-Mégantic. «Là-bas, on pouvait voir, sentir et presque goûter les impacts du pétrole, se rappelle la jeune Innue. En vivant ce moment avec d’autres Québécois qui étaient à la marche, j’ai compris qu’il était possible de travailler en collaboration.»

Pour Melissa Mollen-Dupuis, permettre aux Premières Nations d'ouvrir la marche du 11 avril témoignait d’une grande marque de reconnaissance envers elles. Ces dernières sont tout particulièrement touchées par l’exploitation pétrolière qui s’étend en bonne partie sur le territoire sauvage qu’ils occupent.

Les syndicats dans un virage

Le forum qui s’ouvrait le lendemain de la marche a été l’occasion d’entamer une réflexion sur la transition vers une économie durable, non seulement avec les Premières Nations, mais aussi avec les représentants syndicaux. «Certains commentateurs ont critiqué la participation des syndicats à la marche, alors qu’ils investissent dans le pétrole, souligne Christian Simard. Pourtant, la FTQ, par exemple, avance à grands pas vers un virage dans les énergies plus durables.»

Aux yeux du directeur général de Nature Québec, cette ouverture nouvelle apparaît remarquable. Les syndicats ont longtemps appuyé l’exploitation des ressources naturelles qui créent beaucoup d’emplois pour les travailleurs de la construction, selon lui. «Heureusement, ce discours est de plus en plus marginalisé, et le Forum Action Climat l’a démontré clairement», précise-t-il.

Selon M. Simard, il était plus osé de tenir la marche à Québec, vu le climat conservateur qui y règne, notamment avec la présence de radios poubelles. La participation de 25 000 personnes, malgré un temps froid et la distance à parcourir pour se rendre dans la vieille capitale, lui semble toutefois satisfaisante. «La marche de 2012 lors du Jour de la Terre nous a inspirés, c’est certain, explique le directeur général de Nature Québec. Même si nous n’avons pas atteint les 250 000 personnes, ce qui était important c’était de lancer le message à l’endroit où se rencontreraient les premiers ministres.»

Marcher vers l’action

Pour Pierre Lussier, président du Jour de la Terre Québec, qui a organisé la marche du 22 avril 2012, le ralliement des forces dans le domaine environnemental réside aussi dans leur complémentarité. «Cette année, nous avons choisi d’être en arrière-plan dans l’organisation de la marche, explique-t-il. Nous sommes plutôt dans l’action et il faut qu’il y ait un lendemain à ces grands rassemblements.» La plantation de 375 000 arbres est notamment l’objectif qu’il s’est fixé pour souligner le 375e anniversaire de Montréal en 2017.

Pour lui, les initiatives et la créativité de chacun seront nécessaires pour faire avancer le mouvement. «Il faut continuer d’essayer de nouvelles choses, parce que pour l’instant, rien ne fonctionne complètement», juge-t-il.

Avec les élections fédérales qui arrivent à l’automne et la conférence sur le climat à Paris en décembre, les liens tissés entre les différents acteurs le 11 avril gagneront effectivement à rester soudés. «Le message semble avoir été entendu, mais rien n’est gagné d’ici la conférence de Paris», estime M. Simard.