Rien ne va plus pour TransCanada. 71% des Québécois et 60% des Cacounois s’opposent au projet d’oléoduc Énergie Est. Près de 350000$ ont été recueillis en quelques jours pour soutenir l’opposition au projet. Une fuite a révélé le plan de communications du projet, le gouvernement du Québec a posé sept conditions à la compagnie et maintenant les élus municipaux demandent l’arrêt des procédures. C’est dans ce contexte que la mairesse Ghislaine Daris a confirmé son intention d’organiser un référendum sur ce projet, suscitant plusieurs questions du public lors de la dernière assemblée du conseil municipal.

Cacouna n'en est pas à son premier référendum sur un tel projet. En 2005, les citoyens de la couronne rurale, qui était alors une municipalité distincte (dite «paroisse»), s'étaient prononcés en faveur du projet Énergie Cacouna. La municipalité avait même payé la moitié des frais de l'exercice: 25000$. Le scrutin avait été entaché par des irrégularités en contravention de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

En entrevue avec Ensemble après la levée de la réunion du conseil, la mairesse Ghislaine Daris a confirmé son refus de s'engager à limiter les dépenses d'un éventuel référendum sur le projet de port pétrolier
Vidéo: Nicolas Falcimaigne

C'est donc avec une certaine appréhension que les personnes présentes à l'assemblée du 10 novembre ont partagé leurs préoccupations. Le référendum sera-t-il «neutre»? Quelles mesures seront prises pour donner une chance égale aux deux options, le Oui et le Non, malgré l'avantage financier de la compagnie? Quel est le contenu du projet de protocole d'entente déposé par le conseil à la compagnie? Sera-t-il connu avant le référendum? Les résultats du référendum seront-ils pris en compte? Les Québécois d'autres régions touchées par le projets pourront-ils voter?

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Pas de plafond de dépenses électorales

Lorsque le public a demandé de limiter les dépenses publicitaires de la compagnie, plusieurs échevins ont tourné ce principe en dérision: «On ne peut pas faire ça.» «Les Non aussi vont en faire de la publicité, ça va être donnant-donnant, ça va être d'un côté comme de l'autre.» «Mais il y a un côté qui a plus d'argent», a souligné une citoyenne. «Les gens jugeront et voteront selon leur conscience», a tranché la mairesse, refusant de s'engager à limiter les dépenses.

La limitation des dépenses électorales lors des référendums et des élections permet d'assurer l'égalité des chances entre les deux camps, et donc la légitimité du scrutin. Toutefois, «il n’y a pas de limite de dépenses électorales […] dans les municipalités de moins de 5000 habitants», indique le Directeur général des élections (DGE). La municipalité de Cacouna compte moins de 5000 habitants. C'est donc au conseil municipal de décider si ces dépenses seront limitées dans ce cas précis.

Une rencontre d'information avec spécialistes triés sur le volet

La mairesse s'est engagée à tenir une rencontre d'information publique avant le référendum, avec des spécialistes. Questionnée sur l'idée d'inviter l'écotoxicologue Émilien Pelletier à la rencontre d'information, elle a répondu que M. Pelletier avait déjà donné plusieurs conférences dans la région et que les spécialistes invités seraient plutôt «des personnes qui m'ont été référées et qui sont vraiment neutres».

Le jeudi 4 décembre prochain, de 16h à 20h, TransCanada tiendra une soirée «Portes ouvertes sur le projet Oléoduc Énergie Est», à la salle paroissiale de Cacouna. Lors de telles rencontres, le public peut discuter individuellement avec une équipe de communication déployée par la compagnie autour de kiosques thématiques. Cette formule utilisée par la compagnie depuis le début est décriée par plusieurs citoyens, qui souhaiteraient plutôt une assemblée avec questions et réponses publiques.

Protocole d'entente

C'est aussi lors de la réunion du 10 novembre que la mairesse Daris a annoncé le dépôt à la compagnie d'un projet de protocole d'entente dont le contenu ne peut être rendu public «parce qu'il est en négociation». Les termes de ce protocole d'entente tiennent compte des consultations faites auprès des citoyens, et sont «à prendre ou à laisser», affirme le conseil municipal, catégorique. Yvan Roy, citoyen cacounois et éditeur du journal local Épik, y décèle pour sa part une reprise de la stratégie référendaire utilisée par TransCanada pour le port méthanier en 2005.

«Si ce protocole a été préparé à huis clos, même avec des "notes" prises sur les demandes des citoyens, commente M. Roy, il est à souhaiter que la suite des choses n'ait pas le même huis clos et ne répète pas l'erreur du préréférendum 2005 où la compagnie avait mis sur la table de nombreux avantages et retombées, surtout pécuniaires, et où "l'entente" impliquait que la municipalité se prononce en faveur du projet et incite la population à voter aussi en faveur… Un huis clos qui débouche sur une telle entente financièrement alléchante mais conditionnelle à un Oui référendaire, et où le référendum lui-même est généreusement appuyé financièrement par la compagnie elle-même, est loin de respecter le libre choix des citoyens et la transparence dont on veut faire preuve.»

Captation vidéo de l'assemblée (46 minutes), une exclusivité Ensemble.