Dans un monde où tout va souvent trop vite, quelle place nous gardons-nous pour réfléchir à un mode de vie qui répondrait vraiment à nos aspirations? Vivons-nous présentement dans un monde qui répond à nos attentes, socialement ou environnementalement? Qui ne s’est pas déjà posé cette question sans pouvoir y répondre?

Permettez-moi de ne pas aller me perdre dans les méandres de la philosophie. Le monde meilleur que j’imagine existe déjà. Mais on en parle peu. On en a de plus en plus d’échos, mais il perce encore rarement le mur du son médiatique. Ce monde est fait de gens qui ont choisi de faire certaines choses différemment. La plupart ne sont ni des extrémistes, ni des génies de l’astrophysique. Juste des gens bien ordinaires qui croient que s’améliorer soi-même pour que le monde aille mieux est la seule révolution possible.(1) Des gens qui, habituellement, expérimentent tranquillement, dans leur coin de pays, diverses manières d’améliorer leur quotidien (et du nôtre par ricochet). Ce sont des gens qui expérimentent d’autres formes de démocraties. Qui parlent de démocratie directe, de sociocratie, de communication non violente, de consensus. Ils et elles se demandent à quoi pourrait ressembler une communauté autogérée, si une économie peut être réellement durable et comment faire pour parler d’une croissance autre que financière. Ces personnes réfléchissent aux impacts de chaque décision individuelle et collective sur notre environnement naturel et social. Quel est l’impact de ma maison, de la manière dont je la chauffe, de la gestion de nos « déchets », de nos déplacements, etc. Pour chaque question soulevée, des centaines de solutions sont proposées et surtout, mises en application. Au fil des ans, j’ai rencontré et discuté avec ces artisans et ces artisanes du changement et participé à la création de certaines utopies à leurs côtés. Voici le brouillon, la base, le solage de mon monde idéal :

Dans mon monde, on se pose beaucoup de questions. On se tourne la langue sept fois dans la bouche avant de parler, on réfléchit beaucoup avant d’agir. À plusieurs égards, c’est un monde beaucoup plus lent que le monde d’aujourd’hui. On regarde en avant, mais on n’oublie pas ce qui vient de passer. La sagesse est une vertu primée. Le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent, mais le bien-être de tous et particulièrement celui des générations à venir. L’argent y a sa place, mais comme outil d’échange lorsque c’est nécessaire et surtout, lorsque c’est bénéfique pour les parties impliquées. Un outil ni plus ni moins important qu’un marteau ou qu’un vélo. Les institutions sont vivantes, dynamiques. Ce sont des systèmes énergiques animés, non stagnants. Le respect prime, mais au côté de l’honnêteté et de la franchise, comme lorsque vient le temps de dire à un ou une élu(e) : « Merci du temps que vous avez investi ici, mais il semble que vous seriez mieux de prendre une pause pendant qu’une autre personne tentera de relever le défi. » Et ce, à n’importe quel moment d’un mandat. Dans mon monde, il y a place à l’erreur et à la réparation. Chaque personne peut exprimer ses besoins et y trouver son compte tant que cela ne compromet pas le bien-être collectif. Dans mon monde, comme dans n’importe quel autre écosystème, il y a des filtres. Comme la couche d’ozone filtre les rayons ultraviolets, des filtres sociaux nous permettent de prendre les bonnes décisions et de se réajuster au besoin. Présentement, dans la situation dans laquelle nous sommes, nous pourrions nous imposer d’avoir comme filtres(2) :

  • sortir du pétrole;
  • sortir de la croissance;
  • sortir du capital.

Chaque matin, individuellement ou collectivement, au travail ou ailleurs, on pourrait se demander si les actions que nous poserons aujourd’hui nous permettront de sortir du pétrole, de la croissance et du capital. Si oui, nous sommes sur la bonne voie. Sinon, il faut réajuster le tir. C’est vrai, ça prend du temps. Mais le temps… c’est le bien-être! Alors, prenons notre temps puisqu’il y a urgence.

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Par Martin Zibeau

NOTE SUR L’AUTEUR

Martin Zibeau est facilitateur de projets pas possibles qui se réalisent. Éduqué en permanence par sa communauté passée, présente et à venir, il est un agroanarchiste planteur d’espoir. Originaire de ville Vanier, dans la région de la capitale nationale, du temps qu’il y poussait autre chose que du béton, il a choisi la Gaspésie avec sa famille et se battra corps et âme pour que l’histoire économique de son enfance ne s’y répète pas.