Le processus de refonte de la carte électorale, qui menaçait de faire disparaître plusieurs comtés en région, a été suspendu cet automne par le gouvernement du Québec. Quelques mois seulement pour trouver une façon de concilier représentation territoriale et représentation populaire. Le 11 février dernier, Solidarité Rurale du Québec a convié la population et les décideurs à un forum destiné à faire le tour de la question.

Le contexte actuel fournit une occasion favorable d’élargir le débat, selon Claire Bolduc, présidente de Solidarité Rurale, et d’envisager une réforme globale des institutions démocratiques du Québec, au-delà de la carte électorale et du mode de scrutin.

Chaque refonte de la carte électorale fait ressurgir le débat de la représentation des régions. Mais cette fois, l’impasse politique créée par la proposition de supprimer un comté libéral à la veille d’une élection complémentaire ouvre la porte à un débat auquel le gouvernement voudra prendre part et apporter des solutions.

Les élus, en conflit d’intérêt ?

Les partis politiques présents ont présenté leurs propositions lors du Forum. Pour Pascal Bérubé, député péquiste de Matane, il faut mettre sur pied une chambre des régions, tout en permettant une lus grande différence entre les comtés ruraux et les comtés urbains. « On est déjà éloignés géographiquement de la capitale, il ne faut pas en plus en être éloignés politiquement », scande celui dont le comté est menacé par la nouvelle carte électorale.

Le député de Mercier et porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir, a pour sa part saisi l’occasion non seulement pour promouvoir le mode de scrutin proportionnel qui permettrait enfin à son parti de faire des gains, mais également pour dénoncer le peu de pouvoir que les citoyens ont réellement sur leurs ressources, une conséquences du déficit démocratique.

Pour sa part, l’ancien ministre libéral des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, a remis dans l’arène le projet libéral de réforme du mode de scrutin, tout en rappelant qu’il s’était heurté à une importante levée de boucliers. Il a également renchéri sur l’idée d’une chambre des régions. En réponse à une question de l’assemblée, l’ancien ministre a avoué que « oui, dans le système actuel, le Premier ministre a trop de pouvoir ». Il a également admis que les élus sont en conflit d’intérêt sur cette question et qu’elle devra être tranchée par référendum.

C’est précisément ce que les citoyens présents ont réclamé. Un participant qui a assisté en 2003 aux États généraux sur la réforme des institutions démocratiques du Québec, a rappelé qu’il s’était alors « exprimé une volonté presque unanime d’avoir des changements ». Il s’est indigné de l’absence de résultats suite à cette démarche : « pour moi, la démocratie, c’est 50% plus un. Tant et aussi longtemps qu’on demande aux élus de bouger dans le cadre d’une réforme électorale, du mode de scrutin, on n’arrive à rien ».

Claire Bolduc, présidente de Solidarité Rurale du Québec, Benoît Pelletier, ancien ministre libéral des Affaires intergouvernementales, Amir Khadir, député de Mercier et porte-parole de Québec solidaire et Pascal Bérubé, député péquiste de Matane, répondent aux questions du journal Ensemble:

La longue marche d’une révolution plus que tranquille

L’adoption de la loi sur le financement des partis politiques, en 1977, n’était qu’une petite partie de l’ambitieux programme de l’époque, selon André Larocque, qui a été sous-ministre à la Réforme électorale et parlementaire pendant les deux mandats de René Lévesque (1977-1985). Cinq des dix mesures législatives prévues restent encore en suspens, dont la réforme du mode de scrutin, l’initiative populaire, les élections à date fixe, la séparation des pouvoirs exécutif et législatif et la décentralisation des pouvoirs vers les régions.

En 2002, le gouvernement Landry a lancé une vaste consultation nationale, menée par un comité directeur présidé par Claude Béland, qui venait de quitter la présidence du Mouvement Desjardins. Cette consultation s’est conclue par des États généraux en février 2003. Un rapport présentant les détails d’une réforme globale, adoptée par les 1000 délégués, a été déposé. Quelques semaines plus tard, les Libéraux ont pris le pouvoir et enterré cette démarche.

Le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, a ensuite présenté une réforme du mode de scrutin pour inclure des éléments de proportionnelle, mais le projet n’a jamais été adopté. Pendant ce temps, plusieurs mouvements ont continué de militer pour une réforme en profondeur.

Le Mouvement Démocratie et citoyenneté du Québec (MDCQ), présidé par Claude Béland et porteur des conclusions des États généraux, souhaite la tenue d’une assemblée constituante où plusieurs centaines de citoyens représentatifs du Québec rédigeraient une constitution à adopter ensuite par référendum. Le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), présidé jusqu’à récemment par Mercedes Roberge, en plus de publier des outils pédagogiques sur la question, fait régulièrement des représentations pour un nouveau mode de scrutin. Le programme de Québec Solidaire s’inspire de ses recommandations.

Enfin, on doit probablement la mobilisation actuelle à la Coalition pour le maintien des comtés en région, qui rassemble autour de l’ancienne députée fédérale bloquiste Suzanne Tremblay, la Coalition Urgence rurale du Bas-Saint-Laurent, ainsi que les Conférences régionales des élus du Bas-Saint-Laurent, de la Chaudière-Appalaches et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine. Cette coalition s’est formée dès le dépôt du projet de nouvelle carte électorale, poussant le gouvernement à suspendre le processus.