QUÉBEC — Ils étaient hier à Lévis, berceau de la coopération. Aujourd’hui, ils franchissent le fleuve et font halte dans la Capitale. Une marche de plus de 700 km se déroule depuis le 10 mai dernier pour contester l’arrivée au Québec du pétrole provenant des sables bitumineux. C’est un véritable pèlerinage de 34 jours qui mènera ces dizaines de marcheurs partis de Cacouna, dans le Bas-du-Fleuve, jusqu’à Kanehsa:tàke (Oka), en suivant le tracé des oléoducs projetés par Enbridge et TransCanada.

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Départ de la marche au port de Cacouna. Photo: Nicolas Falcimaigne

Dans le contexte géostratégique mondial qui favorise l’exportation des sables bitumineux canadiens, l’initiative de la marche draine une constellation d’organisations québécoises telles l’AQLPA, Greenpeace, Équiterre, ainsi qu’Alternatives et la Coalition vigilance oléoducs (COVO). Mais c’est d’abord une initiative citoyenne, affirme Alyssa Symons-Bélanger, l’une des instigatrices du projet, dans un esprit de réconciliation entre Québécois et communautés autochtones.

C’est sur le territoire Mohawk de Kanehsa:tàke, là où a eu lieu la tristement célèbre «crise d’Oka», que vont arriver les marcheurs après 34 jours de rencontres avec les communautés du Québec. L’une des représentantes du mouvement Idle No More Québec, la poétesse innue Natasha Kanapé Fontaine est d’ailleurs du convoi.

Martin Poirier, cofondateur de Non à une marée noire dans le Saint-Laurent, explique l’enjeu du projet de port pétrolier de TransCanada à Cacouna.
Vidéo: Olivier D. Asselin

L’expérience de la marche «Moratoire d’une génération», contre les gaz de schiste en 2011, a participé au rejet de cette industrie au Québec. Un petit groupe d’individus sensibilisés a décidé de renouveler l’action, cette fois contre les oléoducs transportant le pétrole albertain que les environnementalistes du monde entier dénoncent.

Rencontre avec Armand Vaillancourt et Gervais Darisse, Maire de Saint-André.
Vidéo: Olivier D. Asselin

Alors que la Colombie-Britannique a posé des conditions stoppant momentanément le projet de pipeline vers l’ouest et que le président étatsunien Barack Obama a également repoussé sa décision quant au projet de pipeline vers le sud, les pétrolières canadiennes veulent à tout prix faire passer la troisième option d’exportation, celle qui traverse le Québec.

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Une centaine de personnes ont pris part à la première étape de la marche, entre Cacouna et Rivière-du-Loup. Photo: Nicolas Falcimaigne

Les enjeux sont colossaux pour l’industrie du pétrole, et le gouvernement fédéral de Stephen Harper lui ouvre grand les portes. Le 16 mai dernier, le quotidien Le Devoir révélait que l’organisme fédéral sensé évaluer le projet pétrolier, la Régie de l’énergie du Canada, lançait le processus d’évaluation publique avant même le dépôt officiel du projet par la compagnie TransCanada.

Slam de Natasha Kanapé Fontaine devant Cacouna.
Vidéo: Olivier D. Asselin

«Contre les intérêts du Québec»

L’objectif de l’industrie des sables bitumineux est de tripler le nombre de barils produits par jour d’ici 2030. Pour Christian Simard de Nature Québec, le but est clairement de rejoindre les marchés internationaux et ainsi, d’augmenter de 30 à 40 cents le prix de chaque baril. «Ça va clairement contre les intérêts stratégiques du Québec, parce que le projet de TransCanada doit détourner un oléoduc qui fournit actuellement le Québec en gaz naturel non de schiste, donc plus propre, et il va l’envoyer en Alberta pour l’extraction les sables bitumineux qu’ils vont nous envoyer après.»

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Rencontre avec des automobilistes. Photo: Nicolas Falcimaigne

André Belisle, vieux routier des luttes environnementales au Québec, est aussi préoccupé par la provenance des hydrocarbures. «On va aussi remplacer le pétrole qui provient de l’Algérie. Le pétrole de l’Algérie n’est pas seulement un pétrole léger: c’est l’un des plus propres au monde. Et si l’Algérie devait comme par magie disparaître de la carte, on pourrait très bien s’approvisionner auprès de Terre-Neuve, qui extrait aussi, de l’Atlantique, du pétrole conventionnel.»

Commentaires de Gilles Lévesque.
Vidéo: Olivier D. Asselin

Pour Mikaël Rioux, un des marcheurs, le premier geste d’un éco-citoyen est d’aller à la rencontre des gens dans les communautés et de les sensibiliser aux enjeux. Doit-on pour autant être un écologiste pour participer à cette marche? «Pas du tout», répond Estelle, une participante dans la cinquantaine. Elle décrit, les yeux pétillants de plaisir, tous les bienfaits physiques qu’une telle activité procure: «C’est un défi pour le corps qui nous pousse à revenir à l’essentiel: bien dormir le soir, bien s’alimenter, s’hydrater…»

Jasette aux Jardins de la Mer avec Claudie Gagné et Mélanie Lemire.
Vidéo: Olivier D. Asselin

Plusieurs activités d’échange sont prévues lors des soirées festives de la marche, dont le départ fut célébré simultanément avec le lancement de la campagne Coule pas chez nous!, coalisant largement les organisations opposées au projet Energy East du Québec.

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Une lutte à pieds nus. Photo: Nicolas Falcimaigne

Pour connaître les dates et événements du passage de la marche dans votre localité:http://www.peuplespourlaterremere.ca/tagged/agenda

Pour participer à la campagne Coule pas chez nous! (outils pour élus et citoyens): www.coulepascheznous.com

À Tadoussac les 24 et 25 mai:

 

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Flûtiste en marche. Photo: Nicolas Falcimaigne