Samedi dernier, le 20 août, sur le coup de midi, le temps s’est arrêté à Albanel. C’est le cœur gros et les larmes aux yeux que la population a assisté à un funèbre spectacle. Sous leurs yeux, leur marché d’alimentation et centre de rénovation ont été la proie des flammes. 70 ans d’histoire se sont envolés dans cet immense nuage de fumée noire.

Le feu qui a complètement ravagé le bâtiment qui trônait la rue Principale depuis 1941, laisse les 2 300 habitants du village sans aucun marché d’alimentation. Les pertes sont lourdes. L’édifice qui abritait une épicerie et une quincaillerie était un emblème patrimonial. En 1941, la première association coopérative d’agriculteurs de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, constituée en 1915, avait fait construire cet édifice.

Plus de 35 pompiers venus de cinq municipalités avoisinantes ont combattu les flammes. Selon les premières constatations, l’incendie se serait déclaré dans une chambre électrique, située au sous-sol du bâtiment. Outre les dommages matériels, on craint pour les 25 emplois occupés par des gens du milieu.

« C’est avec inquiétude que les quinze employés de l’épicerie et les huit de la quincaillerie ont regardé leur lieu de travail être la proie des flammes. De nombreuses questions les ont envahies. Vais-je ravoir un emploi ? Reconstruira-t-on ? », illustre la directrice générale, Johanne Dallaire, qui a reçu de nombreux témoignage de sympathie depuis l’événement.

Les sirènes des véhicules d’urgence ont vite alerté les citoyens de cette municipalité située au nord du Lac-Saint-Jean. Massés autour du périmètre érigé par les pompiers, les gens exprimaient leur tristesse. Un mouvement de sympathie qui a rapidement gagné les réseaux sociaux.

« C’est quand on perd quelque chose qu’on se rend compte combien c’était important. Pour les prochain mois, plusieurs d’entre nous devrons changer leurs habitudes et mieux planifier leurs déplacements. Espérons que ça ne durera pas », a lancé Carl Boilard, un citoyen de l’endroit. La mairesse Évangéline Plourde abonde dans le même sens. « C’est une lourde perte pour Albanel. Nous avons un deuil à faire. »

L’épicerie était l’unique commerce alimentaire du coin. Pour trouver un supermarché digne de ce nom, les habitants d’Albanel devront parcourir des dizaines de kilomètres. Malgré les nombreuses jeunes familles qui ont fait le choix de s’établir dans la coquette municipalité, la population est vieillissante. Certaines personnes n’ont ni voiture ni parents et amis pour aller acheter les provisions qui leur sont nécessaires dans une des villes voisines.

Une question de vitalité

L’épicerie du village représente plus que l’endroit où l’on va faire son marché. Il s’agit d’un lieu de rencontre où émane un fort sentiment d’appartenance. Un peu à l’image du parvis de l’église, l’épicerie était le nouveau lieu où les villageois se saluaient et se racontaient les dernières nouvelles.

Au même titre que l’école ou que le bureau de poste, les services de proximité tels qu’une épicerie assurent la vitalité d’un milieu. Par solidarité rurale, des villageois ont indiqué leur désir d’encourager un autre marché d’alimentation rural qui se situe à Girardville, à une quinzaine de kilomètres d’Albanel.

« Je crois beaucoup en la reconstruction. D’autres façons de faire se dégageront peut-être de cette catastrophe. Qui sait, l’épicerie pourrait renaître sous une nouvelle forme ? Une dynamique économique sera peut-être recréée ? D’autres entrepreneurs souhaiterons peut-être profiter d’un nouvel achalandage », avance la mairesse en laissant tomber que l’heure est désormais à la solidarité.

La suite des événements

Au fil de diverses rencontres, l’administration discutera des avenues envisageables avec les membres du conseil d’administration et les employés. « Notre couverture en assurance nous permet trois scénarios : une reconstruction, une relocalisation ou une fermeture définitive. Nous devons voir ce qui vient d’arriver comme une chance unique de se mobiliser autour d’un projet commun. À propos du centre de rénovation, dont la gestion était confiée à une autre coopérative, celle des Deux-Rives, le directeur général de cette dernière, M. Gervais Laprise, a indiqué qu’il était ouvert à collaborer à un projet futur », ajoute Mme Dallaire.

L’institution érigée au cœur du village depuis 70 ans n’était pas sans subir les effets de l’attraction des géants du marché de l’alimentation. Depuis quelques années, les efforts se multipliaient afin d’assurer la survie de cette épicerie de village où la coopération a toujours été un élément distinctif. À une autre époque, on dénombrait trois épiceries. Aujourd’hui, il ne reste qu’un dépanneur. Cet événement sera-t-il un électrochoc permettant de stimuler l’achat local ?