Au cours des vingt dernières années, plusieurs mutuelles d’assurance-vie ont procédé à un transfert de l’avoir de leurs membres vers un capital actions. Ce faisant, elles ont cessé d’être coopératives et sont devenues des sociétés privées. Cette démutualisation remet en question l’équité entre les générations, puisque les membres actuels acquièrent la propriété d’un capital bâti par les générations passées. L’une des plus importantes sociétés d’assurance dommages canadiennes, l’assureur ontarien The Economical Mutual Insurance Company, a récemment annoncé son intention de se démutualiser, une transaction évaluée à un milliard de dollars. Des pressions sont exercées par le mouvement coopératif pour pousser le gouvernement fédéral à légiférer pour empêcher, ou du moins encadrer ce phénomène.

Voici le premier des trois textes de ce dossier, intégralement publié dans notre édition du mois dernier.

La démutualisation des compagnies d’assurance amène son lot de controverse. Profits, prises de pouvoir et perte de services particuliers ainsi que droit de vote des membres s’entrechoquent. En l’absence d’un environnement législatif adapté à la question, l’Association canadienne des compagnies d’assurance mutuelles (ACCAM) résume sa perception : « la démutualisation des sociétés d’assurance-vie a été l’équivalent d’un vol légalisé des générations passées ».

C’est pour débloquer les actifs de l’entreprise et capitaliser les sommes qu’il y a démutualisation. Cela entraîne une émission d’actions qui permettront d’amasser les fonds nécessaires à une expansion future. L’administration y voit une opportunité de prendre plus de contrôle sur l’entreprise. N’ayant plus le statut de mutuelle, l’entreprise n’est plus soumise au droit de vote des détenteurs de polices d’assurance. On leur promet en retour des avantages financiers. « Si on veut permettre à la mutualité d’enrichir des gens, alors on est en train de dénaturer ce qu’est la mutualité », explique Claude Béland, qui a été président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC).

Les procédés entourant la démutua­lisation sont très peu réglementés par la loi. « L’ACCAM s’oppose particulièrement à ce qu’une petite minorité de détenteurs de police se partagent la totalité des surplus de la compagnie. Tous les détenteurs de police devraient être traités de la même façon », dénonce son président, Norman Lafrenière. L’ACCAM s’objecte aussi à ce que des gestionnaires, des avocats et l’administration tirent des avantages financiers de la démutualisation. « Nous recommandons que le gouvernement fédéral mette en place une législation qui aura pour effet d’arrêter le cercle de recherche d’avantage personnel. »